Le prêtre qui en savait trop
Le pitch de ce film tourné au Québec est plutôt simple : quelques minutes après avoir tué un avocat, un homme va confesser son crime au prêtre Logan. Manque de chance, tous les soupçons vont rapidement se porter sur l'abbé, et celui-ci sera alors soumis à un choix cornélien : respecter le secret de la confession ou prouver son innocence.
C'est Montgomery Clift qui interprète l'ecclésiastique, et même si ça ne me fait pas plaisir d'écorcher un mythe du cinéma, il ne m'a absolument pas convaincu dans ce rôle. Peu bavard et le regard absent, il erre dans ce film tel un zombie. La raison est toute simple : Monty buvait comme un trou pendant l'intégralité du tournage. Anne Baxter, qui incarne son amour de jeunesse, dit ceci à propos de l'acteur : "Le pauvre buvait beaucoup, pratiquement tout le temps. Il était si loin de tout ce qui pouvait se passer autour de lui que ses yeux ne pouvaient se fixer sur un point. Lors d'une scène très importante, je devais le regarder d'un air de convoitise tout en lui dévoilant mon âme. Mais il n'y avait rien en face de moi, rien qu'un regard vide, lointain, et je devais imaginer les réactions qu'il aurait dû manifester."
Cela m'amène au deuxième gros point noir de ce long métrage : le couple ne fonctionne pas. S'il est connu pour sa maîtrise du suspense, Hitchock a également bâti son succès sur des couples de légende. Dans "la Loi du Silence", il n'y a aucune alchimie entre Monty Clift et Anne Baxter. Pourtant, cette dernière a accepté de se teindre en blonde comme l'exigeait le réalisateur, mais rien à faire, il n'y a pas une once de magie qui se dégage lorsque ces deux personnages se retrouvent face à face.
On aurait alors pu espérer que l'intrigue soit prenante, et que le reste du casting relève le niveau, mais à l'exception de Karl Malden, tout le monde semble à côté de la plaque, à commencer par le méchant dénué du moindre charisme. La scène finale fait peine à voir, et on peut vraiment en vouloir à la Warner d'avoir censuré le script, car initialement, Logan était condamné à mort, exécuté et son innocence n'était prouvée qu'après sa mort... Avec une conclusion aussi cynique, j'aurais volontiers pardonné tous ses défauts à ce thriller pataud.
Avec le recul, Hitchcock considéra ce film comme une "erreur", et il avoua même qu'il "n'aurait jamais dû le faire". Hélas, vous aviez vu juste, mon cher Alfred...