Contrairement à ce que laisse penser son titre français absurde, "Non si sevizia un paperino" n'est pas un film de possession, mais un polar-giallo assez atypique, puisque le récit se déroule à la campagne (dans le sud de l'Italie) et dans une ambiance le plus souvent diurne et ensoleillée.
On retrouve en revanche certains ingrédients immuables du genre, avec une série de meurtres sordides, une enquête de type whodunit, une bonne dose de gore et une touche d'érotisme malsain (la sensuelle Barbara Bouchet fait monter la température, n'hésitant pas à allumer un très jeune garçon).
La mise en scène signée Lucio Fulci apporte une indéniable plus-value, avec une patte singulière visible dans plusieurs séquences (les gros plans sur les visages édentés, la scène du lavoir, le massacre de la "sorcière"...). La musique oppressante de Riz Ortolani constitue également une valeur ajoutée, de même que la chanson émouvante d'Ornella Vanoni.
On peut aussi souligner la qualité des décors, avec notamment cette fascinante portion d'autoroute plantée au milieu de la cambrousse, et surtout le choix de thèmes sulfureux : omnipotence de la religion catholique, persistance de superstitions paysannes, dépravation de la jeunesse dans la drogue et/ou le stupre, intolérance haineuse et cruauté des villageois…
Le tableau des mœurs italiennes en ce début d'années 70 n'est guère reluisant, même si les autorités policières sont épargnées par la critique, de même que le journaliste.
Quelques légers bémols viennent toutefois freiner mon enthousiasme, à commencer par le faux rythme établi par Fulci (un constante dans le giallo me semble-t-il) qui empêche le film de décoller complètement. On regrettera également certaines maladresses visuelles ou scénaristiques qui jalonnent le récit (à l'image de la chute finale et de ce visage arraché).
De même, l'interprétation se révèle assez inégale, malgré une distribution internationale relativement prestigieuse : Irene Papas, Florinda Bolkan, Georges Wilson, Tomas Milian...
Enfin, comme souvent avec le cinéma bis de cette époque, le doublage français est une horreur, au point qu'il vaut mieux renoncer à voir le film si l'on ne dispose pas de la version originale sous-titrée.