"I let you in" / Je te laisse entrer.
Voici la phrase prononcée par les adolescents en quête d'adrénaline ésotérique dans ce nouveau film d'horreur réalisé par deux australiens au nom de famille qui sonne bon la provence : The Philippou's.
C'est sur ces mots, après avoir saisi cette main, véritable clé vers les limbes, qu'on accepte de laisser l'esprit en présence dans la pièce pénétrer son corps et s'en servir à sa guise. Mais attention, sous réserve de quelques règles strictes qui laissent présager la part de risque malgré l'insouciance initiale générale de cette jeunesse bercée par le sensationnel et l'image.
Le démarrage de Talk to me a.k.a. La Main permet de nous impacter immédiatement grâce à une scène d'introduction aussi courte que percutante. Elle résume à elle seule l'état d'esprit de cette génération d'ados nourris au frisson et à l'excitation, secondée par l'omniprésence des smartphones et personnellement, elle a fait écho aux "challenges" dangereux qu'on retrouve sur les réseaux sociaux. Clair, net, précis. On est immédiatement happé et les premières plongées continuent à nous captiver à mesure que l'on découvre les enjeux et les prochaines victimes de ce jeu malsain aux dangers presque inconcevables pour nos jeunes héros. Il y a bien sûr cette main, ce portail qui esthétiquement relègue toutes les planches oui-ja à de vulgaires outils d'un autre temps mais, on peut aussi compter sur l'habilité des deux réalisateurs pour installer une ambiance à la fois étrange et légère avant que l'incrédulité de nos héros ne s'estompent face aux premiers événements.
Toute la ritualisation des séances va éveiller notre curiosité autant que notre imaginaire et j'étais pendant une très grosse partie du film, absolument conquis par l'ambiance qui va crescendo dans l'intensité au travers des possessions et des mutilations des corps qui vous crispent à votre siège, le tout appuyé par une mise en scène faites de faux-semblants.
Visuellement redoutable et jouant adroitement avec le folklore autour du spiritisme, on en oublierait presque les personnages et les esprits qui gravitent autour de cet excellent concept. Sophie Wilde incarne Mia, jeune fille traumatisée par le suicide de sa mère, geste qui évidemment servira de vecteur à l'intrigue tout au long du film. Sa fragilité permettra d'ajouter un peu de confusion et quelques effets de surprises bienvenus mais l'histoire devient en somme assez prévisible et nous dirige vers un final qu'on aurait aimé peut-être plus intense, aussi malin soit-il.
En étant véritablement inspiré sur la forme et en débutant de la meilleure des manières possibles, on est pris immédiatement par La Main pour ne plus être lâché. Personnellement et assez bizarrement, alors que je suis assez friand des films jouant sur l'étroit lien entre horreur et drame psychologique, j'ai trouvé que l'association ici ne prenait pas totalement. J'aurais aimé plus de folie, une plongée plus abrupte dans l'horreur et le malaise qui ne survient finalement qu'à des rares moments, et se concentre majoritairement dans la première moitié du film. Mais ne boudons pas notre plaisir car nous avons là un film d'épouvante efficace au concept résolument inventif et suffisamment maîtrisé pour nous laisser en ébullition en sortant de la salle.