Je plaisante avec le titre, mais en fait La maison Russie est une adaptation de John Le Carré, et donc un anti James Bond, comme L'espion qui venait du froid, par exemple. Comme l'espionnage y est représenté comme une lutte entre bureaucraties, on parle beaucoup, c'est lent, presque contemplatif même. Les amateurs de films d'espionnage façon film d'action n'y trouveront donc pas leur compte. Pourtant, quel beau film! Et quand je vois sa moyenne sur senscritique, j'ai vraiment envie de le défendre.
Déjà Sean Connery y est magistral. Il joue le rôle d'un éditeur alcoolique, embarqué malgré lui dans une histoire d'espionnage. Michelle Pfeiffer et Klaus Maria Brandauer, jouant ses contacts en Russie, ne sont pas mal non plus. Ajoutons que James Fox joue un chef du MI6 très convaincant, et la présence de Roy Scheider en huile de la CIA, et on est déjà bien parti.
Un mot également sur la musique de Jerry Goldsmith, qui est magnifique. Les passages les plus convenus, à base de violons emphatiques, sont sublimés par un piano jazzy en accompagnement, cela fonctionne extrêmement bien.
La maison Russie est une adaptation de John Le Carré, donc. Je n'ai pas lu le roman, mais en tout cas ses obsessions sont bien présentes. Les renseignements américains y sont dépeints comme extrêmement opportunistes, jouant un double jeu y compris avec leurs collègues anglais, qu'ils méprisent et traitent en vassaux. Ainsi de cette affaire, quand ils se voient confrontés avec la possibilité de stopper la course à l'armement et faire un pas en direction d'une situation apaisée, ils freinent, car cela signifie aller contre la politique de leur pays centrée sur le développement outrancier de l'industrialisation. Du John Le Carré, à n'en pas douter.
Le centre du film, c'est une romance. Le film d'espionnage se met au service de cette intrigue romanesque. Sean Connery et Michelle Pfeiffer déambulent dans Moscou, ou Saint-Petersbourg. Et là une remarque s'impose : le film a réellement été tourné là-bas ce qui, à l'époque, s'avère plutôt rare, malgré la glasnost qui est au cœur du film. Sans pour autant sombrer dans un film pro-Russe, car cette glasnost est à prendre, comme on nous le montre à plusieurs reprises, avec des pincettes, le film est donc plongé dans l'actualité du moment. C'est donc l'esprit d'une époque que tente de capturer Fred Schepisi, et avec succès.
Enfin, la construction du film, avec ces deux interrogatoires ouvrant et clôturant plus ou moins le film, est brillante et, malgré la lenteur, assez ludique, n'oubliant pas que l'espionnage au cinéma, c'est un jeu de rôles avant tout, et en tirant parti. La maison Russie s'avère, avec tous ces atouts, l'une des grandes réussites du film d'espionnage.