Aux yeux du grand public, Edouard Molinaro reste d'abord un réalisateur de comédies, lui qui connut de gros succès populaires avec des adaptations de pièces de boulevard telles que "La cage aux folles", "L'emmerdeur", "Oscar", ou encore "Hibernatus".
Pourtant, comme beaucoup de confrères de sa génération, le très prolifique réalisateur bordelais a commencé sa carrière avec des films d'espionnage et surtout des polars ("Un témoin dans la ville", "Le dos au mur", "Des femmes disparaissent"...).
De sorte que "La mort de Belle", un polar psychologique adapté du grand Georges Simenon, est déjà son cinquième long-métrage après seulement trois ans de carrière.
Clairement, il s'agit d'un excellent film, Molinaro parvenant parfaitement à retranscrire le type d'atmosphère qu'affectionne l'écrivain belge, en transposant l'histoire du Connecticut à la Suisse francophone.
On est dans une petite communauté bourgeoise, très attachée aux convenances et à la respectabilité de façade. Le héros, incarné par un excellent Jean Desailly, semble bien intégré dans cette société, mais dès lors que la jeune pensionnaire qu'il hébergeait est assassinée sous son propre toit, il sent peser le poids du soupçon, et très vite du rejet.
Tout le monde s'interroge sur cet homme doux et solitaire, marié tardivement à une femme plus âgée, et qui ne semble pas très porté sur la bagatelle. Les voisins, la police, le juge, et même sa propre épouse le soupçonnent plus ou moins ouvertement.
Plus l'intrigue avance, et plus le film prend de l'ampleur, avec notamment un formidable face à face entre un policier convaincu de l'innocence du héros (considérant que celui-ci est un "pur"), et le juge d'instruction persuadé de sa culpabilité, lui-même semblant partager avec l'accusé un certain nombre de turpitudes. Le comédien Jacques Monod réussit une prestation remarquable dans le rôle de ce magistrat ambigu et retors.
Le film de Molinaro se révèle fidèle au roman de Simenon, respectant intelligemment sa trame narrative et son issue très noire et ironique. Dommage simplement que le dénouement filmique paraisse trop rapide, voire un peu bâclé, au moment où s'enchaînent les ultimes rebondissements, lesquels auraient mérité un traitement plus approfondi.
Qu'importe, "La mort de Belle" reste une très belle réussite, bénéficiant d'une finesse d'analyse remarquable, et figurant parmi les meilleures transpositions de Simenon sur grand écran, du niveau par exemple des futures adaptations signées Granier-Deferre ("Le chat", "La veuve Couderc"...), Tavernier ("L'horloger de Saint-Paul") ou Chabrol ("Les fantômes du chapelier"...).