Louis XIV ressemble à un vieux caniche aux humeurs changeantes. Tout Roi-Soleil qu'il fut, c'est un vieil homme qui meurt rongé par la gangrène. Autour de lui s'affairent ses médecins personnels et sa cour rapprochée.
L'essentiel du film se déroule dans la chambre du roi. Le bois foncé et le rouge des tentures rendent la pièce coupée du jour encore plus sombre. De l'extérieur on n'entend que quelques chants d'oiseaux, de grillons, des musiciens, puis plus rien... une mouche viendra bientôt rompre le silence.
La mort s'installe, gagne le corps par la jambe. Le Roi s'exprime peu, s'alimente de moins en moins. On parle bas, ponctuant chaque phrase adressée au monarque des obligés "sire", "votre majesté". Seul le Roi peut élever la voix. Les médecins sortent tout droit de chez Molière, Fagon le premier d'entre eux, ceux de la Faculté de Médecine puis un autre encore, à l'accent italien, proposant un élixir miracle avant de finir embastillé.
L'image est picturale. On pense à Rembrandt, à de La Tour. C'est le clair-obscur de la fin de vie alors que tout s'éteint progressivement, que l'homme disparaît dans le corps malade. Après les médecins se montrant impuissants, ce sont les prêtres qui arrivent. Les rituels se succèdent. Le compte à rebours est lancé.
On mesure l'absurdité de la monarchie, du pouvoir à vie, de son exercice alors qu'on n'est plus apte à gouverner. On observe l'impudeur d'un système qui oblige un homme à mourir devant tout le monde. Le roi absolu n'est plus qu'un pantin sans pouvoir à la merci de médecins soucieux mais guère efficaces.
Jamais Jean-Pierre Léaud ne se sera fait oublier à ce point. On reconnait à peine sa voix, son visage est enfoui sous d'impossibles perruques, son corps dont n'apparaissent que les jambes et parfois les mains s'efface sous les draperies et les lourds vêtements. À ces côtés, Patrick d'Assumçao compose un Fagon sobre dont le phrasé doux ponctue les silences.
La mort de Louis XIV est un film assez fascinant. Sa tonalité presque douce contraste avec la violence du propos. Il s'agit de regarder la mort en face, celle d'un tyran qui n'est déjà presque plus rien, celle de n'importe quel homme, la nôtre.