Lorsque Louis XIV décide de rendre la Cour sédentaire au Château de Versailles en 1682, Hardouin-Mansart choisit pour les agrandissements une architecture sévère, austère diront certains, classique, mais magistralement efficace. C’est ce que m’a procuré le film d’Albert Serra.
La Mort de Louis XIV n’est pas un film que je recommanderais à un passionné d’Histoire (de France). Comme le titre l’indique, le film traite en premier lieu non pas du souverain français mais bien de la Mort, avec une majuscule. La mort, ce sujet universel, ce sujet tabou qui suscite autant de crainte que d’admiration. Après tout qu’est-ce qui est plus juste que la mort ? Serra fait ici du Roi-Soleil un homme simple, face à son destin. Nous le voyons s’amuser avec ses chiens, se faire ausculter par des docteurs, comprenant peu à peu que son heure approche. Au fur et à mesure que la gangrène se développe, les courtisans laissent leur place aux docteurs, puis eux-mêmes aux hommes d’Église. Les courtisans retournent vaquer à leurs (frivoles) occupations laissant place à l’épouse et l’arrière petit-fils de Louis, pour un dernier adieu. Les fastueux repas sont remplacés par des bouillons, la messe par les derniers sacrements. C’est pendant près de deux heures la chute d’un homme que nous observons à l’écran, jusqu’à une scène simple sinon pathétique et cette terrible phrase qui nous rappelle le statut de Louis, "le roi est mort". Seulement le roi ? Sans rentrer dans les détails car ça a déjà été très bien fait avant moi, il est évident que Jean-Pierre Léaud se fond parfaitement dans le rôle, faisant corps avec un agonisant. Regarder La Mort de Louis XIV, c’est aussi faire adieu à un acteur français iconique.
En plus du propos et des performances, le film est magistral dans sa réalisation, sa photographie ou sa composition. Dès les premières minutes nous pénétrons dans le film, comme si nous étions dans la chambre royale. Les plans serrés nous rapprochent des acteurs au sens propre comme figuré. Ils participent au côté "simple", humain du roi. Les scènes sont savamment composées, Serra se joue parfaitement du lit (funèbre), élément central du film qui illustre la gloire, le prestige, la folie des grandeurs de Louis de par son ornementation mais aussi sa destinée, son futur tombeau.