La Mort de Louis XIV est un chef d’œuvre en tout point, le film excelle autant sur la forme que sur le fond.
La forme :
Albert Serra nous offre pas moins de deux heures d'une peinture animée tant chaque plan pourrait être un tableau baroque. Cet alliage de couleurs chaudes, de contrastes lumineux et la statique des personnages nous rappelle certains travaux du Caravage.
Le film est avare en musique ce qui n'est pas un défaut au contraire une immense qualité. Ici il est question de la mort, l'heure n'est pas à la fête et aux chansons.
Le rythme est calme carrément apathique, les plans s'étirent sur de longues secondes parfois des minutes sur le visage du roi qui se meurt dans son lit.
Tous ces choix sont justifiés et remarquables. La mort par une absence sonore. L'agonie par le rythme. Et la stature du personnage par la photographie.
Le fond :
Le film a beau être d'une élégance glaçante (la symbolique de la mort), il n'en est pas moins riche en idées.
J'aimerai commencer par la complexité des rapports humains. Au départ je pensais qu'un bon nombre de suivants, valets et médecins n'étaient qu’hypocrites âmes, de vrais Renard comme chez La Fontaine "tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute". Cependant à un certain point du film, il est difficile de décerner le dessein de chacun. On voit que son principal médecin et son valet sont réellement émus face à l'agonie de leur souverain. Personnellement j'ai été touché par l'attention et la bienveillance de ses personnages. Le film n'est pas simpliste, il nous laisse seul juge de l'entourage de Louis XIV. Au spectateur d'être actif, de se faire son propre avis.
Il y a un lien avec Amour d'Haneke. Deux vieilles personnes mourantes, ne pouvant être sauvées, agonisantes tout le long d'un film. D'un côté nous subissons cette agonie du point de vue du mari de l'autre de la "cour". L'émotion reste la même, les personnages sont incapables, impuissants, désarmés face à l'inévitable. Alors dans Amour on tue pour abréger le supplice, ici on attend, on regarde le roi crever à petit feu (les scènes où l'on voit sa jambe nécrosée qui dépasse des draps). Tout cela est profondément macabre.
Macabre certes, mais véridique. Il n'y a rien de fantasmé chez Serra. En effet, nous serons tous concernés par cette épreuve qu'est la mort. Directement en étant nous-même sur notre lit de mort chez nous ou à l’hôpital, entouré de nos proches ou du personnel médical, tous nous regardant périr inéluctablement. Indirectement en étant spectateur de ce drame, que ça soit un parent, un proche ou un conjoint, nous étions et/ou nous serons d'inutiles témoins.
"Bons ou mauvais, beaux ou laids, riches ou pauvres, ils sont tous égaux maintenant". Barry Lyndon.