Eh bien, en voilà un bon film d'horreur fantastique français ! Les sauterelles comme antagonistes maléfiques grouillantes et malaisantes, ça fonctionne à mort (au sens propre comme au sens figuré !).
Point de vue technique, l'ensemble est irréprochable. Just Philippot sait maîtriser son truc pour le rendre réaliste. Les plans rapprochés sur les sauterelles sont glaçants, les effets spéciaux sont sobres, pour ne pas dire invisibles (ce qui veut dire qu'ils sont pleinement réussis !), les maquillages gores sont horribles (oui, ça veut dire, là aussi, qu'ils sont pleinement réussis !). Comment ne pas croire à cet amas de petites créatures vampiriques avec toutes ces qualités ?
Pour l'interprétation, ce que j'ai toujours apprécié dans le cinéma de genre français, c'est qu'il prend toujours des acteurs et des actrices crédibles, ayant un physique de personnes que l'on peut croiser tous les jours, n'importe où, à qui on peut s'identifier tout de suite. Il va sans dire que leur jeu est impeccable (mentions spéciales à l'actrice principale Suliane Brahim, de la Comédie-Française, et à Marie Narbonne, en adolescente devant faire face aux problèmes de son âge tout en affrontant, dans le même temps, la plongée progressive de sa mère dans la folie !). De plus, les réactions des personnages paraissent naturelles. On pourrait tout à fait se comporter de la même façon.
Pour ce qui est de la thématique de la cellule familiale qui va en prendre un sacré coup, elle est plutôt bien traitée, notamment grâce aux qualités que j'ai évoquées précédemment. J'ai juste une petite réserve sur le fait que la vie des enfants à l'extérieur de la ferme (le club de foot pour le gamin, le lycée pour la fille aînée !), évoquée dans le premier tiers, soit quasi occultée par la suite. Il aurait fallu soit se concentrer pratiquement que sur ce qui se passe dans la ferme familiale,
sauf pour la séquence nécessaire où la grande sœur insiste pour que son petit frère aille jouer avec son club dans une autre ville, pour l'éloigner d'un danger qu'elle sent venir,
soit rajouter d'autres scènes footballistiques et scolaires dans les deux autres tiers.
Autrement, une sorte de mécanique scénaristique prend le pas sur la cohérence. Une mécanique qui suit une hiérarchie spéciste. Ce que je veux dire, sans spoiler, c'est que les sauterelles vont commencer par elles puis vont enchaîner avec cet animal, puis cet autre animal jugé comme encore plus supérieur par l'être humain, puis cet animal, certes mal considéré, mais qui est massif, donc beaucoup plus important par la taille que le précédent, et évidemment, pour la fin, devinez qui.
Oui, donc les sauterelles bouffent d'abord celles d'entre elles qui sont moins puissantes (ces dernières n'ayant pas bu du sang, au contraire des autres, ou très peu !), après une chèvre, puis un chien, puis une vache, puis évidemment l'animal le plus néfaste sur cette planète. Ce qui n'est pas cohérent, selon moi, parce que je pense que les insectes ont suffisamment de force dès le début pour s'en prendre directement aux êtres humains, mais, dans ce cas, l'horreur de la situation dans toute sa mesure serait révélée trop tôt. Entre la cohérence et la mécanique scénaristique, choix ayant chacun leurs défauts, il faut en sélectionner forcément un des deux.
Pour la fin,
dans un premier temps, je trouvais totalement illogique que la dernière scène ne se termine pas sur la mort sans ambiguïté de la mère se sacrifiant pour sauver la vie de sa fille, mais, après quelques heures de réflexion (oui, il est toujours bon de laisser au moins passer ce laps de temps entre la vision d'un film et la rédaction de la critique !), le fait que la fin soit ouverte, sur sa possible survie ou non, montre peut-être qu'elle possède un pouvoir faisant que les sauterelles ne la considèrent pas comme étant un être humain identique aux autres, peut-être même comme une mère nourricière et non pas juste de la chair et du sang, lui permettant ainsi d'éviter d'être totalement bouffée. Cela se discute.
Ah oui, il y a aussi l'évocation symbolique d'une industrie agricole qui, pour permettre de faire vivre et de nourrir, est obligée d'appliquer une logique implacablement mortifère. Ouais, un film d'horreur avec des sauterelles peut être plus profond et riche que l'on ne pense. Et dérangeant aussi... Vous n'entendrez plus le chant de ces charmants orthoptères de la même manière.