Le script de La Nurse ne repose finalement sur pas grand-chose. Une jolie jeune femme se fait embaucher comme nounou et prépare le bébé dont elle a la garde pour le sacrifier à un arbre maléfique protégé par des loups. Jusqu'à ce que les parents prennent conscience des mauvaises intentions de la nurse et tentent de sauver leur bébé. Point.
"Allez, Bill, tu vas bien me faire un film avec ça, hein ?" quémande l'un des cinq producteurs à son ami William Friedkin. Et vas-y que ce dernier empoche illico presto son cachet de réalisateur et liquide vite fait mal fait le film. Car il ne faut surtout pas croire, 17 ans après L'Exorciste, que Friedkin ait voulu offrir au genre fantastique un nouveau shock-horror. Non, il a juste accepté la commande d'un sujet qui n'est pas le sien et qui, forcément, ne lui convient pas. En chemin, Friedkin fait néanmoins de La Nurse un film relativement dirt, même s'il se lave gaiement les mains du résultat final.
Que tirer du roman, édité en 1987, qui inspira La Nurse, The Nanny, de Dan Greenburg ?... Rien, alors autant le massacrer. Aux côtés du romancier qui adapte ici son propre livre sous forme de script, Friedkin le seconde et dévoile la majorité des éléments de l'histoire dans la scène d'exposition. En trois minutes chrono, on voit un couple heureux, une nounou enlever leur bébé, le couple s'affoler, la nounou emmener le bébé dans une forêt, l'offrir à un arbre pernicieux et l'arbre gober le bébé. La suite, exceptée la réaction finale des nouveaux parents, raconte exactement la même chose durant... 1h30. Bref, Friedkin attaque de front une histoire développée en dépit du bon sens. Car il faut avouer que La Nurse n'a strictement rien à voir avec un film de William Friedkin, même si l'on retrouve ce qui fait le style du cinéaste, un style dont tous les défauts éclatent ici. Et pour cause, plus le style est défini et moins il s'adapte au travail de ce réalisateur hors-norme.
Malgré tout, Friekin aime bien les nurses chelous et ça se voit. Par contre, il se contrefout des arbres maléfiques et ça, c'était plutôt prévisible. Lui, le mal animal ou végétal, voire sous forme d'objet, il ne connaît pas. La jeune Regan de L'Exorciste cachait dans ses entrailles un démon totalement invisible. Du moins dans sa version originale de 1973. Là, si Friedkin montre et respecte l'Homme, ses contradictions, ses pulsions, ses dérapages et sa folie, il déteste ouvertement l'Arbre, surtout lorsque ce dernier exerce son pouvoir sur une nurse, laquelle, dans un Friedkin ordinaire, n'aurait nullement besoin d'un végétal pour libérer ses envies meurtrières. Sans ces arguments qui relèvent du banal fantastique de grand studio, La Nurse aurait pu suivre logiquement Le Sang Du Châtiment dans sa description troublante d'un individu. Mais ici, le cinéaste n'est pas libre, empêtré dans les racines de son arbre et forcé par diverses pressions du comité de censure à couper au montage certains plans jugés trop suggestifs car montrant le corps nu de Jenny Seagrove caressé par des branches lubriques. Certaines d'entre elles s'approchaient trop dangereusement du pubis de l'actrice alors qu'elle-même mimait l'orgasme. Les sécateurs de la MPAA sont également entrés en fonction pour les scènes les plus gore du métrage.
Au lieu de payer de sa personne comme Friedkin l'aurait fait pour ses œuvres plus personnelles, le cinéaste a juste préféré se faire payer et livrer clé en main le produit que ses producteurs attendaient. Un film remarquablement réalisé, c'est un fait, mais à 100 000 lieues de ce que l'on pouvait attendre de ce monstre sacré du cinéma qui vient, malheureusement, de rendre l'âme.