Le corps comme une prison
Pedro Almodovar mélange ici Frankenstein et Pygmalion pour nous livrer un thriller quasi horrifique. Encore une fois avec Almodovar il est question de l'identité sexuelle, du rapport à la mère, de l'image qu'on a de soi et de celle qu'on renvoi.
Tout ce questionnement est ici porté par une histoire de vengeance sombre et funeste remarquablement montée. Tout d'abord, c'est l'identité de Vera que l'on cherche et son histoire. Comment cette femme devint prisonnière, presque à son gré semble-t-il, de cet étrange médecin ? Pourquoi cette histoire de peau et de transgenèse ? Puis survient le premier évènement, avec l'arrivé de ce "tigre" violent et malsain. C'est la première violence physique du film et la première vengeance. C'est l'occasion alors d'un retour en arrière pour apprendre l'histoire de ce médecin et comprendre son comportement. Qui est-il ? Quelles sont ses motivations ? Jusqu'où est-il prêt à aller ? Habilement monté, le film nous fait soupçonner successivement plusieurs identités possibles pour Vera (dont l'une est particulièrement troublante et vous fait vous demander si vous n'êtes pas tordu pour en venir à soupçonner une telle histoire) et nous éclaire un peu plus sur ce créateur fou, ce Dr Frankenstein mut autant par l'amour que par la haine et le désespoir. Une fois la véritable identité de Vera dévoilée, ce n'est plus le créateur que l'on scrute mais la créature. Comment se sent-elle dans ce corps ? Se l'approprie-t-elle complètement ? Quels sentiments a-t-elle pour son créateur ?
Soutenu par une très belle photographie et une musique aussi belle qu'asphyxiante et oppressante. Dirigeant un excellent trio d'acteurs (Banderas, Paredes, Anaya), Almodovar nous livre un thriller glaçant redoutablement efficace. Même si l'histoire est peu crédible, cela devient secondaire tellement l'intelligence du montage maintient l'intérêt du spectateur de bout en bout.
Un grand Almodovar.