En voilà une franche bonne surprise : Treasure Planet mérite bien des louanges tant il mixe plusieurs genres sans jamais, ou presque, céder aux sirènes de l’archétype… ce qui aurait été pourtant des plus commodes au regard de ses prétentions. Entendons par là qu’en lançant Jim Hawkins, un adolescent impétueux ayant à cœur de prouver sa place et valeur, sur les traces cosmiques d’une planète abritant un trésor de légende, il était à craindre que le film n’opte que pour de l’aventure à grand spectacle.
En réalité, c’est tout le contraire : sous ses dehors de quête grandiose, les forces et atours de Treasure Planet tiennent davantage de l’écriture de ses personnages, de leurs interactions et motivations plutôt que de sa teneur épique. Ceci à plus forte raison que, en dépit d’une plastique des plus honorables, nous resterons plutôt sur notre faim en termes de dépaysement : en effet, l’écrin spatial dont se pare le long-métrage n’est pas exploité à sa juste valeur, le voyage dépeint n’étant fondamentalement pas si différent que ceux dans les grandes eaux.
Sa faune se voit ainsi transposée dans le cadre sans contours de l’espace, les vaisseaux sont de véritables navires portés par les vents solaires et le trou noir à de fortes allures de maelström déchainé. L’exploration ne suscite de surcroît pas de grande excitation, le cadre de la mythique planète n’étant à titre d’exemple notoire que trop limité. Non, si l’ensemble se veut distrayant, il convient définitivement de parler de ses acteurs : les véritables moteurs d’une épopée infiniment touchante.
En premier lieu, le fait que Jim se débarrasse peu à peu du costume de tête brûlée sans jugeote est une bénédiction : qu’il s’agisse de l’introduction simple d’efficacité de Treasure Planet, le background du jeune homme (abandonné, lui et sa mère, par un paternel avide d’aventures) ou sa palette d’attitudes, nous tenons là une figure de proue aussi attachante que touchante. Mieux encore, le scénario du tandem Musker/Clements, assorti du Rob Edwards, s’avère être une merveille d’écriture à mesure que son jeune héros va évoluer… au contact du non moins remarquable John Silver.
Nul besoin de tergiverser davantage : la réussite indubitable de Treasure Planet est du fait de ce pirate assujetti aux bassesses de son rôle, l’appât du gain dictant en grand majorité sa conduite. Pourtant, tandis que le film se payera le luxe d’entretenir pour un temps le doute, sa rencontre avec Jim va avoir pour effet de les redéfinir tous deux : le garçon trouvera en John un substitut de père attentionné, ce dernier revoyant en parallèle l’ordre de ses priorités… et révélant ainsi par la même occasion une nature invalidant tout traitement manichéen.
D’aucuns pourraient alors reprocher au long-métrage de verser dans du bon sentiment dispensable, toutefois rien n’est gratuit : d’abord, les frictions du cyborg avec ses acolytes, puis Jim, démontrent bien d’une progression à tâtons, sans manuel de bord et soumise aux remous du relationnel et des enjeux individuels. Le fait que John Silver ne se parjure pour de bon qu’en toute fin de course souligne aussi la patience louable de Treasure Planet : d’une justesse quasi-totale, exception faite de l’agaçant (ceci est un euphémisme) B.E.N., sorte de mascotte au service d’un humour lourdingue outrancier, le périple du RLS Legacy tient bel et bien de l’aventure intimiste que de celle avec un grand A.
Cerise sur le gâteau, le long-métrage se pare d’une noirceur contenue mais bienvenue (reposez en paix Mr. Arrow) et l’inévitable romance sera aussi discrète que bien exécutée : une manière propice pour accroître un peu plus le capital sympathie de Doppler et Amelia, à plus forte raison que nous pouvions craindre que cette sous-intrigue ne concerna Jim (ce qui aurait été des plus prévisibles, peu opportun et, donc, contre-productif).
Voilà : nous aurons beau voir venir la séquence du surf solaire, l’alchimie du tout et le prisme profondément humain de Treasure Planet tiennent de la surprise en bonne et due forme. Le genre de celles qui émerveillent, émeuvent et, finalement, impressionnent… alors pourquoi pareil échec cuisant au box-office ? Diantre.