Voir la sublime Estella Warren enchainée dans une cage, attrapée par le cou comme un animal sauvage nous rappelle le mauvais goût de Burton assumé pour une certaine imagerie sado-masochiste déjà présente dans ses précédents films, notamment dans les costumes en cuir/latex de Catwoman ou d'Edward aux mains d'argent. Cette séquence raconte également l'affection du cinéaste pour les vieux films d'aventures où l’héroïne blonde et pulpeuse gambade en pagne dans la jungle en carton-pâte d'un studio hollywoodien. C'était déjà visible dans Mars Attack qui parodiait l'esthétique des films bis de science-fiction de son enfance. D'ailleurs son personnage est si superficiel qu'on sent que Burton s'amuse à détourner les codes du genre. L'équipe des "héros" n'en est pas vraiment une puisque le protagoniste, relativement antipathique, ne poursuit que ses intérêts personnels et ses relations avec le reste du groupe sont sans intérêt (la blonde, le gosse, le noir, le trio magique du film d'action américain). Comme dans Batman Returns, il préfère s'intéresser aux "méchants", ici les singes, dont la personnalité est plus fouillée, notamment le personnage de Thade.
Cette inversion des valeurs est typique du travail de Tim Burton. Les "normaux" dominants socialement sont les vrais freaks alors que les outsiders sont les gentils (ici les humains). Cette idée se poursuit dans le travail autour des acteurs puisque les singes ont des traits humains et miment le comportement "humain", alors que les Hommes se comportent en animaux, avec en chef de file Mark Whalberg, acteur primitif et primate par excellence, dont les expressions faciales et le physique sportif lui donne une dimension simiesque, c'est le parfait Jock comme disent les américains.
La scène de repas rejoue celle de Beetlejuice dans lequel les élites et l'intelligentsia sont ridiculisées par ses conventions sociales hypocrites, qui cachent une forme de véritable barbarie. Seul l'adolescente rebelle autrefois interprétée par Winona Ryder y est lucide, ici Helena Bonham Carter. Tim Burton semble pourtant moquer son "progressisme" dans une scène où elle explique que les mythes et croyances sont des fables pour enfants qui ne trompent pas un esprit rationnel et éduqué comme le sien. Le réalisateur lui montrera que parfois les contes disent et sont vrais en jouant la scène de la prophétie, avec un artifice scénaristique, histoire de rappeler que le cinéma est une formidable machine à raconter et tromper son monde.
Le film a une dimension politique évidente. C'est de racisme dont il est question de prime abord. Le personnage de Thade parle d'une société décadente en proie à la prolifération des humains aux portes de la cité, parallèle avec l'immigration telle que perçue par la droite américaine. Idéologie réactionnaire qui sert de relai aux ambitions personnelles de leur promoteur, ici Tim Roth, apprenti tyran qui souhaite prendre le pouvoir par la force (coup d'état militaire). Son goût de la force, son mépris des conventions sociales et de l'intellect, et sa frustration sexuelle en font presque un fasciste. Le pouvoir héréditaire de sa famille a des origines religieuses (mensongères) qui font échos aux liens entre la droite américaine et les milieux religieux les plus réactionnaires.
Le film entretient un dialogue assez évident avec L'odyssée de l'espace. 3 motifs visuels sont repris : le vaisseau immaculé et le module spatial ; le voyage dans l'espace-temps à travers un trou noir psychédélique ; les singes qui s'affrontent dans un décor désertique. Le dialogue est également thématique puisque le "pistolet" joue un rôle central. Symbole du pouvoir, l'arme s'inscrit dans la continuité de l'os de Kubrick (l'outil comme prolongation de l'humanité). Utilisée par Thade elle achève le cycle d'apprentissage de la violence humaine par l'animal. Enfin, comme chez Kubrick le phénomène religieux est relié à la fondation de la civilisation par une force extraterrestre.
Dans son registre de film d'action / aventures le film pèche par une trame centrale un peu simple (suite de péripéties basiques dans le cadre d'une course-poursuite). Les séquences d'actions sont filmés par-dessus la jambe mais c'était déjà le cas dans Batman returns, Burton n'en ayant visiblement pas grand-chose à foutre, et moi aussi.