Trois ans après "La planète des singes: Les origines" un des blockbusters les plus brillants de ces dernières années arrive sa suite qui ne conserve que ses scénaristes et Andy Serkis (et la compagnie d’effets spéciaux Weta). C’est à Matt Reeves (Cloverfield, LetMe In) qu’échoit la lourde tache de succéder à Rupert Wyatt. L’essai est il transformé?
Aux origines était la conquête…
Apres la débâcle du remake de Tim Burton la Fox commanda au scénariste Scott Franck un remake de la "Conquete de la Planète des Singes" film se prêtant le mieux à un redémarrage de la franchise historique de la major. Le script "Caesar" très documenté explorant de manière réaliste les conséquences de l’acquisition de la parole par les singes suite à des expériences génétiques si il ne fut jamais tourné servi de substrat à un pitch du couple Rick Jaffa – Amanda Silver prenant pour vecteur la recherche sur Alzheimer. Le film grâce à la mise ne scène de Rupert Wyatt , aux singesanimés en motion-capture stupéfiants de réalisme de Weta (Le Seigneur des Anneaux, King Kong) et l’interprétation fantastique d’Andy Serkis (les mêmes films que weta!) créa la surprise et reste un des blockbusters les plus brillants de ces dernières années. Conforté par le succès du film la Fox met en chantier une suite ou seuls restent à bord Jaffa et Silver, Weta et Serkis. C’est à Matt Reeves (Cloverfield ,Let me in) que revient de mettre en scene la suite de la saga de César et de sa communauté installés dans la foret de Muir Woods prés de San Francisco à la fin du précédent volet alors qu’une pandémie a décimé les 3/4 de l’humanité.
Une nouvelle bataille…
Le film est vu à travers les yeux des singes presque de maniére littérale puisque le film s’ouvre et se clos sur le regard de Caesar (Andy Serkis), on passe d’ailleurs les vingt premières minutes du film au cœur de la société qu’il a bâti sans croiser un être humain.
Ce choix de point de vue fait porter un poids colossal sur les épaules de Weta car si les singes ne sont pas crédibles c’est tout l’édifice du film qui s’effondre. Les équipes de Joe Letteri animent des dizaines de primates à la fois hyperréalistes mais dotés d’émotions se fondant parfaitement dans des décors naturels (difficulté supplémentaire) sans que jamais les spectateurs ne remettent en cause cette réalité. Le travail des acteurs est aussi primordial car sans leur personnalité impossible de s’attacher au sort de ce qui ne serait qu’un démonstation technique . Sans surprise Andy Serkis se taille la part du lion, parvenant avec peu de dialogues par ses expressions a nous faire ressentir les émotions de ce personnage tiraillé entre son devoir de leader, de père de famille et le souvenir de sa vie parmi les hommes.Il est la star du film et de la saga. Parmi les singes la performance de Toby Kebbel (futur Doctor Doom dans le reboot de Fantastic Four) dans le rôle de Koba le second balafré de Cesar est particulièrement intense.Doté d’ un design fantastique il campe un vilain charismatique, rusé, puissant et cruel dont on comprend les motivations issues des souffrances endurées aux mains des vivisecteurs. La colonie entre bientôt en contact avec un groupe d’humains explorant la foret mené par Malcom (Jason Clarke vu dans Zero Dark Thirty bientôt John Connor dans le prochain Terminator) émissaire d’une colonie de survivants dirigée par Dreyfus (Gary Oldman). En dehors de ces deux la les personnages humains sont en retrait malgré le talent d’ interprète comme Kerri Russell (les séries Felicity et The Americans) ou Kodi Smit-McPhee. Le script en nous donnant un aperçu de leur passé nous permet de comprendre leurs réactions ainsi Dreyfus qui aurait pu facilement devenir un vilain délirant personnage apparaît nuancé, presque sympathique.
Dès lors s’enclenche la mécanique implacable qui va pousser les deux clans à la confrontation en dépit de la volonté de ses leaders. Si "Les origines" s’inspirait de "La Conquete" on retrouve dans "La planète des singes l’affrontement" l’ADN narratif de "La bataille de la planète des singes" (1973) dernier (et plus faiblard) volet de la série originale, le seul à confronter les singes et des hommes (encore) intelligents. Les planètes des singes ont toujours eu un sous-texte politique , l’original servait une de métaphore de la ségrégation raciale aux USA, la "Conquête de la Planète des Singes" renvoyait aux émeutes de Watts et le précèdent volet interrogeait sur la condition animale et la bioéthique. Celui-ci ne fait pas exception à la règle ,on y décrit les mécanismes qui poussent tant de communautés vers la guerre, la encore l’exploitation des ressources énergétiques est un des éléments déclencheurs du conflit. Le thème du contrôle des armes à feu est aussi sous-jacent tout au long du film.
Le scénario si il est assez classique a une structure particulièrement équilibrée la progression de l’histoire se fait de manière organique réservant des moments spectaculaires sans sacrifier à la narration.
C’est Bonobo..
Visuellement le film est un des gros budgets le plus beaux de mémoire récente, la photo du vétéran Michael Seresin (Midnight Express, Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban) est somptueuse qu’il éclaire des forets majestueuses ou des décors monumentaux de la métropole abandonnée. Et quels décors ! le production design est extraordinaire, regorge de tant de détails qu’on est immergé dans l’univers du film. Matt Reeves confirme son immense potentiel, sa mise en scène à la fois ample et dynamique rappelle parfois la maîtrise d’un Spielberg. Certains plans évoquent Jurassic Park ou Les Aventuriers de l’Arche Perdue.
On le sent plus intéressé par les passages émotionnels que par les séquences d’action (la bande-annonce laisse même entrevoir des scènes qui ne figurent pas au montage final) mais il a l’intelligence de leur réserver des plans si iconiques (indices : 1 singe 1 cheval 2 guns ) que l’amateur ne se sent jamais floué dans ce domaine.
Seuls bémols : si j’adore les compositions de Michael Giacchino (Star Trek, Up) son travail sur le film m’a déçu ses mélodies mélancoliques au piano (à la Lost) sont très belles mais leur emploi systématique pour souligner l’émotion tourne au cliché.
Conclusion Visuellement époustouflant, émotionnellement puissant porté par la mise en scène de Matt Reeves, le jeu de Serkis et le travail de Weta digital La Planète des singes: l’affrontement est un grand film de SF .