Martin Scorsese disait que « Bava utilisait la lumière, les ombres, la couleur, le son, le mouvement et les textures pour entraîner les spectateurs vers des territoires inexplorés, dans une sorte de rêve collectif ». La Planète des vampires, titre français abusif car il n'y a aucun vampire dans le film, mais des esprits qui prennent possession d'autres esprits (influence évidente notamment du chef-d'œuvre de Don Siegel, L'invasion des profanateurs de sépultures) ou même des corps des morts, est un des films de Bava qui permet de comprendre ce jugement de Scorsese. Et, les « défauts » du film, notamment son manque d'intérêt dramatique et son jeu des acteurs qui font des personnages des pions auquel on ne peut s'attacher, renforcent cette impression de rêve. Car ce film est une expérience, où l'ensemble des décors, des couleurs et des sons crée un monde de rêve, d'une incroyable abstraction, une véritable œuvre de Pop Art. Comme le disait Tim Burton, autre grand admirateur du cinéaste, « Bava avait un sens du design qui passait directement de votre esprit à votre âme ». La Planète des vampires entremêle génialement trois mondes. Celui de la planète elle-même, coloré, faite de pierres et de rochers biscornus, empli de nappes mouvantes de fumigènes et où la lumière est en constante mutation. Celui des vaisseaux qui viennent d'arriver sur la planète, à l'intérieur géométrique et épuré, à dominante grise si ce n'est les voyants lumineux et les écrans des appareils. Celui enfin du gigantesque vaisseau échoué sur la planète, décor colossal et géométrique (l'influence de Metropolis de Fritz Lang est manifeste) avec des couleurs violentes et saturées. Le plus étonnant, c'est que tout cela a été fait avec un budget dérisoire et témoigne de l'inventivité du réalisateur et de sa maîtrise technique car les trucages, qui renvoient à un artisanat qui remonte à Mélies, permettent de donner au film, si ce n'est un aspect de superproduction, mais tout au moins celui d'un budget honorable.
Mario Bava est un réalisateur méconnu du grand public, et même souvent encore de la critique et des cinéphiles. Il commence enfin à être réévalué aujourd'hui et ce, notamment, grâce à l'influence qu'il a eue sur de nombreux cinéastes contemporains, influence qu'ils n'ont pas toujours eu l'honnêteté de reconnaître, contrairement à Quentin Tarantino qui a eu le mérite et la modestie d'avouer : « J'ai toujours été un fan de Mario bava (…). Je lui ai totalement emprunté son utilisation de la couleur, bien que je ne serai jamais aussi bon lui ! » Une réédition d'une exceptionnelle qualité, chez La Rabbia, permet enfin d'apprécier pleinement ce film.