Michel Hazanavicius est un poids lourd du cinéma français, que ce soit dans des films plus humoristiques ou plus sérieux qui, pour certain, l'ont propulsé dans la stratosphère. C'est un réalisateur intriguant qui n'a jamais eu peur de s'aventurer vers des styles et des univers radicalement différent, parfois défiant la forme et les codes traditionnels de narration. Malgré tout, il y avait une forme de curiosité et d'inquiétude quant à l'annonce de cette Plus Précieuse des marchandises, qui s'inscrit dans une période où l'animation s'est démocratisé à un point où tout le monde (ou presque) peut s'essayer à l'animation. Que ce soit Alexandre Astier avec ses deux films Astérix (co réalisé avec Louis Clichy), Jean Pascale Zadi qui prépare Summer in the hood, ou encore Jean Paul Gaultier qui prépare lui aussi un film d'animation avec l'aide du studio nWave qui ont réalisé Les Inséparables, tous ou presque se lancent sur le marché de l'animation, et il serait peu dire que La Plus Précieuse des marchandises a su se faire attendre. Avant Cannes déjà, aucune image et aucun retour n'avait fuiter. C'était le projet dont on ne devait pas prononcer le nom, qui a eu le soutien quasi immédiat de Thierry Frémaux qui, selon les bruits de couloir cannois, voulaient le mettre dans une sélection parallèle avant que Michel Hazanavicius (avec le soutien de Vincent Bolloré) pousse le film à être en compétition officielle sous peine de ne pas être projeté au festival de Cannes. Encore une fois, cela sont les bruits de couloirs cannois, mais quoi qu'il en soit, le film reste le premier film d'animation à être en compétition officielle pour la palme d'or depuis Valse avec Bachir en 2008. Les retours étaient très prometteurs, et n'ont fait que décupler l'attente lorsque le film a été annoncé comme étant le film d'ouverture du festival d'Annecy 2024, ce qui est stratégiquement logique lorsque l'on sait que la cérémonie d'ouverture est très sélective. Pourtant, la magie entourant le film a commencé à doucement s’atténuer face aux poids lourd qu'il y avait en compétition, du retour de Adam Elliot au phénomène cannois qui s'est confirmé au palmarès d'Annecy. Si on pouvait excuser le film de n'avoir rien gagné face à une compétition très rude, cela soulève des interrogations sur la qualité réelle du long métrage.
Le film sait être puissant et cultiver une forme de grandeur dans son image. En reprenant les codes du conte et (littéralement) un cadre traditionnelle pour situer son récit, tout le poids du récit est décuplé. C'est entretenu à travers le choix de l'animation en semi-rotoscopie, où l'on sent que certaines séquences ont été tourné en réelle et transposé en dessin, car cela permet d'aller dans l'économie de mouvements, et de rendre chaque plans quasiment sacrés. Cela a évidemment ses limites, comme lors des scènes d'actions ou lorsque des personnages sont filmés d'un peu trop loin, ou lorsque certains scènes sont trop coupées (la découverte de la marchandise par la bucheronne aurait pu sans doute être un plan séquence). Cependant, cela confère à l'ensemble une véritable stature presque monumentale. On se rapproche au plus près des sentiments humains et de la fragilité de la vie avec une précision tel que cela en devient bouleversant.
Pourtant, la faute peut être à un premier tiers très (trop ?) efficace, le film s'embourbe à vouloir tenir sur 1h20 alors qu'il n'a pas l'air d'avoir grand chose à raconter. Cela se manifeste surtout dans une volonté de rester au plus près de l’œuvre originale, mais sans vraiment trouver à faire le lien avec les apports non présent dans l’œuvre originale de Jean Claude Grimberg. Cela est flagrant notamment lors des séquences avec le père de la marchandise, ainsi que toutes les séquences dans les camps, qui sont sans réelles dialogues (pour ne pas faire de fausses notes vis-à-vis de l’œuvre originale, mais aussi par pudeur quant à la notion de témoignage à l'intérieur des camps) et qui mettent trop souvent en avant un vide narratif. On sort malheureusement du récit tant ces séquences sont traités avec un détachement trop soutenu, et créé un sentiment de longueur pas forcément agréable alors que le film dure 1h20. Il n'empêche que le film sait cultiver les scènes fortes, notamment sur son final et son climax, qui savent conclure un film aux bonnes ambitions, qui sait viser juste, mais qui a tendance à s'écrouler complètement lorsque celui-ci cherche à viser autre chose que le texte d'origine. Il n'en reste pas moins une œuvre touchante et pleine de beauté qui, sans doute, aurait mérité plus de réflexions en amont sur la manière la plus juste d'adapter le conte à l'écran. J'espère que Michel Hazanavicius ne se découragera pas du cinéma d'animation et qu'il proposera d'autres œuvres aussi touchantes à l'avenir.
11,75/20
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