Vipère au point

Grand classique du cinéma français et film le plus réputé de Sacha Guitry, "La poison" ne manque pas de qualités, entre sa misanthropie réjouissante, ses dialogues jubilatoires et son scénario cruellement ironique.

Michel Simon y est comme souvent impressionnant de talent et de naturel ; d'ailleurs le comédien obtient de son réalisateur le privilège de ne tourner chaque scène qu'en une seule prise, arguant qu'il s'ennuie à mourir dans le cas contraire!

Particulièrement à l'aise dans les frusques du vieux père Braconnier, Simon est par ailleurs bien entouré par une troupe de seconds rôles au diapason (des habitués de Guitry pour la plupart, à l'instar de Pauline Carton ou Jeanne Fusier-Gir).

Cependant, de mon point de vue, "La poison" ne peut postuler au rang de chef d'œuvre incontournable, en raison de quelques faiblesses rédhibitoires, à commencer par un manque de développement du récit.

En effet, le film durant à peine 1H20, il était largement envisageable d'étoffer quelque peu la narration, notamment au niveau des disputes conjugales, mais aussi de la vie quotidienne du bourg.
Ainsi, la présence prometteuse d'un jeune Louis de Funès, dans le rôle d'un voisin, s'avère de fait complètement anecdotique, tant le personnage manque de substance et de temps de présence à l'écran…

En outre, une misogynie appuyée finit par apparaître gênante en l'une ou l'autre occasion, tandis que les débats du procès, qui finissent entièrement dirigés par l'accusé, ont tendance à décrédibiliser la dernière partie.

Pour conclure, après avoir pas mal pointé ses défauts, soulignons à nouveau combien "La poison" reste un petite perle du cinéma français d'après-guerre, bien représentatif de l'œuvre considérable de Sacha Guitry, d'une audace et d'une modernité de ton remarquables, et capable de bousculer les consciences comme personne...