Le magnifique générique et les premières minutes du film brouillent les pistes. Deux hommes tentent d'échapper aux forces de l'ordre après s'être évadés du pénitencier. L'un d'entre eux c'est carrément Robert Redford. Il n'y a donc pas vraiment lieu de douter que ce dernier va jouer un rôle central et qu'on va assister à un film de cavale. D'ailleurs le titre français est là pour l'infirmer. Pourtant de poursuite il ne sera pas vraiment question, plutôt de fuite, voire de chute. Celle d'une société malade dans le Texas des années 60, à travers une petite bourgade rurale comme tant d'autres qui prend pourtant, la nuit venue, des allures de Sodome et Gomorrhe.
Tout part d'un mensonge apparemment anodin. Petit mensonge fait boule de neige, et nous voilà donc dans une situation, quelques années plus tard avec des implications dévastatrices pour tous les membres de ce petit microcosme américain. Ajoutez à ça le climat d'insouciance, la libération des moeurs qui vire au laissez-aller, les vives tensions raciales, et la lâcheté des uns et des autres, et vous obtenez un climat explosif qui s'installe crescendo jusqu'à un final étouffant, révoltant et forcément tragique.
En cela, La Poursuite Impitoyable forme un diptyque très cohérent avec Bonnie & Clyde, sorti un an plus tard, les deux films participant d'une même exploration sans concessions dans les entrailles de la violence américaine. Le constat d'Arthur Penn est déjà très virulent : dans une société en perte de repères qui ne respecte plus l'autorité (car corrompue ou soupçonnée de l'être) ni la justice, nous redevenons des sauvages et ne valons pas mieux moralement que ceux qui sont enfermés derrière des barreaux.
Pessimiste, noir et terriblement lucide sur les dérives de l'Amérique, ultra précis dans la palette de personnages qu'il met en place avec patience et acuité : pas de doute, on tient là un chef-d'oeuvre exceptionnel, vertigineux, presque un OVNI tant on a peine à croire qu'une major hollywoodienne ait pu produire un brûlot pareil.