Le magnifique générique et les premières minutes du film brouillent les pistes. Deux hommes tentent d'échapper aux forces de l'ordre après s'être évadés du pénitencier. L'un d'entre eux c'est carrément Robert Redford. Il n'y a donc pas vraiment lieu de douter que ce dernier va jouer un rôle central et qu'on va assister à un film de cavale. D'ailleurs le titre français est là pour l'infirmer. Pourtant de poursuite il ne sera pas vraiment question, plutôt de fuite, voire de chute. Celle d'une société malade dans le Texas des années 60, à travers une petite bourgade rurale comme tant d'autres qui prend pourtant, la nuit venue, des allures de Sodome et Gomorrhe.


Tout part d'un mensonge apparemment anodin. Petit mensonge fait boule de neige, et nous voilà donc dans une situation, quelques années plus tard avec des implications dévastatrices pour tous les membres de ce petit microcosme américain. Ajoutez à ça le climat d'insouciance, la libération des moeurs qui vire au laissez-aller, les vives tensions raciales, et la lâcheté des uns et des autres, et vous obtenez un climat explosif qui s'installe crescendo jusqu'à un final étouffant, révoltant et forcément tragique.


En cela, La Poursuite Impitoyable forme un diptyque très cohérent avec Bonnie & Clyde, sorti un an plus tard, les deux films participant d'une même exploration sans concessions dans les entrailles de la violence américaine. Le constat d'Arthur Penn est déjà très virulent : dans une société en perte de repères qui ne respecte plus l'autorité (car corrompue ou soupçonnée de l'être) ni la justice, nous redevenons des sauvages et ne valons pas mieux moralement que ceux qui sont enfermés derrière des barreaux.


Pessimiste, noir et terriblement lucide sur les dérives de l'Amérique, ultra précis dans la palette de personnages qu'il met en place avec patience et acuité : pas de doute, on tient là un chef-d'oeuvre exceptionnel, vertigineux, presque un OVNI tant on a peine à croire qu'une major hollywoodienne ait pu produire un brûlot pareil.

Créée

le 28 mars 2016

Critique lue 234 fois

3 j'aime

magyalmar

Écrit par

Critique lue 234 fois

3

D'autres avis sur La Poursuite impitoyable

La Poursuite impitoyable
guyness
8

Le (Arthur) Penn ne craint pas la critique sociale décapante

Mais, contrairement à ses homonymes franchouillards (et-tirés-par les-cheveux-de-ma-part-et-de-manière-un-poil-grossière), lui est un grand humaniste, et on sort d'un film d'Arthur (donc) regonflé...

le 31 juil. 2011

77 j'aime

11

La Poursuite impitoyable
DjeeVanCleef
9

Le jaguar avec la voix de canard.

On s'essouffle à pointer les qualités évidentes des films, on s'obstine à sortir les scalpels, souvent en vain. Comment capturer l'essence de ce qui bouleverse vraiment ? Comment emprisonner un...

le 22 oct. 2014

64 j'aime

7

La Poursuite impitoyable
Docteur_Jivago
10

Le Déclin de l'Empire Américain

La Poursuite Impitoyable se révèle tout simplement magistral de bout en bout, d'une grande puissance et dimension fascinante et indescriptible à l'image de cette longue fin qui prend aux tripes, ce...

le 5 avr. 2014

38 j'aime

4

Du même critique

L'Argent
magyalmar
1

Compte dormant

Sans doute fatigué de pondre des drames chiants pour neurasthéniques masochistes, Robert Bresson s'est surpassé afin de nous offrir son ultime chef d'oeuvre, une parabole de science-fiction sous...

le 26 mars 2018

31 j'aime

6

Les Désaxés
magyalmar
5

Huston, le monde Huston

Honnêtement, je pense qu'Arthur Miller aurait pu broder une merveille de scénario en se contentant de la dernière scène dans le désert du Nevada, où tout est dit. Après tout, un bon exemple vaut...

le 2 avr. 2016

23 j'aime

2

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
magyalmar
1

Alors c'est ça l'enfer

Refn est un sacré déconneur. Le défi de départ était excitant : écrire un scénario en 5 minutes. Malheureusement Nicolas dut se rendre à l'évidence. Ecrire plus de deux pages en 5 minutes c'est pas...

le 4 janv. 2014

20 j'aime

1