Évacuons la chasse, élément périphérique de cet arrière-plan parfois lourdement didactique de reconstitution historique. Là où d'ordinaire, la force de conviction du cinéma de Tavernier réside largement en son enthousiasme à transcender de solides recherches sur le milieu ou l' époque reconstitué( L627 ** ou **quai d'Orsay), ici cela encombre le film, le rallonge inutilement donnant parfois une impression désagréable de dispersion. La scène du repas où les deux pères échangent sur l' art d'engraisser les anguilles aurait pu être dispensable, les scènes précédentes ayant suffi à dresser le tableau du mariage arrangé dans les mœurs de l' époque.
Il n'est pas incohérent que la seule récompense obtenue par le film l'ait été pour ses costumes.
D'une nouvelle classique de la littérature française, Tavernier a voulu fabriquer son oeuvre propre. Adapter ou développer un court texte n'est pas interdit en soi. Mais dans le cas présent, on a la sensation que le cinéaste a souffert de cette contrainte lui qui pour la première fois de sa carrière n'a pas choisi l'histoire qu'il voulait "cinématographier". Cette sensation se fonde sur ce fol amusement évoqué par le cinéaste lui-même, à tourner les scènes de violence ou de guerre sans effet spéciaux, compensant ce pensum de raconter l' histoire de Madame de Lafayette comme une récitation scolaire peut ennuyer un enfant.
Le début doit beaucoup au Capitaine Conan(1996), comme une réminiscence mais placée quatre siècles avant. Les scènes de cavalcades, ou de dialogues à cheval doivent beaucoup à son amour du western façon André de Toth, et celles plus nombreuses que nécessaires de combat à l' épée à son amour des films de cape et d' épée ( voir la fille de d'Artagnan , sorti en 1994 ). La volonté de moderniser, démystifier au nom d'un vérisme historique ,et de se démarquer de l' élégance toute en retenue du texte de Madame de Lafayette, a été volontiers traduite par une crudité dans les scènes de violence, de sexe. Il le dit lui-même, là où l'auteur du XVIIème siècle écrivait "Marie, tourmentée par ses parents, dut se résoudre à accepter Philippe de Montpensier pour mari." Il traduit cela, après consultation d'un historien, par une scène de brutalisation du père sur sa fille.
Là où la rivalité entre Montpensier et Guise était sourde, elle éclate en un viril duel interrompu par le Duc d'Anjou. Il aurait dit à l'acteur incarnant Guise pour le caractériser "Pense à un caïd du 9-3, qui aime affronter des CRS, foncer en scooter..."
Un autre péché mignon de Tavernier, pygmalion toujours en quête de nouveautés, est de choisir de jeunes acteurs inconnus. Il se laisse porter par eux en un exercice d 'admiration, les malmène physiquement avec ces scènes à cheval en pente, pour montrer l' effort dit-il, leur colle un texte aussi beau qu'ardu dans un tel contexte, ce qui occasionne des ratés dans leur jeu, et même des répliques quais inaudibles. Personnaz est celui qui tire le mieux son épingle de ce maelstrom un peu vain. Ulliel fait le job à partir de son rôle limité, Leprince-Ringuet sans vouloir faire de la peine n'a jamais démontré depuis un talent marquant d'acteur qui nous aurait échappé dans ce film, il manque ici par trop d'animalité rentrée pour convaincre. Mélanie Thierry jusque là joli minois s'en tire avec les honneurs, bien que parfois trop minaudante, à jouer un rôle assez casse-gueule.
Dans les interviews donnés à propos du film, le réalisateur a peu mis en valeur la performance de Lambert Wilson dont le personnage apparaît le plus approfondi et intéressant. Digne de la "geste" du réalisateur, excellant à dépeindre des hommes qui s'efforcent de faire de leur mieux, installée dès son premier film le beau portrait de**L'horloger de Saint-Paul** (1974) incarné par Philippe Noiret
Le comte de Chabannes donc, est en guerre permanente, usé par celle-ci,et ses sentiments amoureux. Le voilà le vrai tourmenté du film. Là où la princesse se réduit par trop à une jeune femme partagée entre passion et raison, incapable d'apprendre de l' éducation qu'il lui donne autre chose que le vernis. Son chapeau sur la tête mi-western, mi-Don Quichotte tombé de son piédestal, il erre solitaire, attaché au prince, puis à sa jeune épouse, ces deux liens ne résistant ni à l' orgueil, ni aux convenances ou tout simplement aux sentiments non-partagés qu'il nourrit malgré lui pour la princesse. Les meilleurs scènes du film sont dans les dialogues-duels entre lui et la princesse. Résister à avouer ses sentiments, ne pas obéir au maître, avoir raison contre l'autre quitte à le fâcher, etc... Mais elles sont noyées dans l' ensemble mal attelé du montage final. La diligence qu'est ce film est tracté par des chevaux trop disparates pour nous mener à bon port. La fin tombe à plat, trop tard, terrible vide finalement qui clôt la princesse dans une solitude irrémédiable?