Cédric Anger nous plonge dans les années 70, avec ce récit circonstancié de la croisade sanguinaire d'un jeune gendarme contre les femmes. Mais ce ne sont pas les années 70 habituelles dont il est question ici, mais plutôt d'une symphonie de l'angoisse : appartements aux couleurs ternes, meubles rustiques, gris du ciel de l'Oise, et puis cette pluie, cette pluie qui n'en finit pas de tomber et de ruisseler sur les vêtements comme sur les sentiments. Même la sublime Ana Girardot, qui interprète merveilleusement la douce et fragile Sophie, l'amoureuse du gendarme cinglé, semble bien pâlichonne au milieu de ces paysages de banlieue triste fouettée par les vents. Le réalisateur nous plonge dans l'univers dessalé de Léo Malet et de Simenon, et nous fait partager toute la terreur qui envahit, qui encercle un Guillaume Canet stupéfiant de maîtrise dans son interprétation. On est bien loin de "Jappeloup". Et on découvre, enfin, un acteur puissant, mûr, convaincant. On en attendait pas tant. Bref ce film redonne des lettres de noblesse à ce genre dans lequel nous excellons parfois en France, quand on évite de lorgner du côté des américains, et dons nos maîtres ont trop tôt disparu (Chabrol, Corneau et Lautner par exemple). Mais une nouvelle génération de cinéastes (dont fait partie Cédric Anger) reprend haut le flambeau du polar à la française, loin des comédies stupides et faisandées qui alimentent nos écrans depuis trop longtemps.
A voir absolument !