Pour son troisième long-métrage, Cédric Anger décide de se pencher sur un fait divers particulièrement singulier et terrifiant, qui agita la Picardie à la fin des années 70, l'affaire dite du "tueur de l'Oise".
A peine remise de la psychose collective engendrée par les crimes de Marcel Barbeault, autre sociopathe du cru, cette région se trouve à nouveau secouée par des agressions aussi sauvages que gratuites en apparence.
Après un an d'enquête infructueuse, le gendarme Alain Lamare finit par être confondu, et on découvre alors l'incroyable face cachée de cet enquêteur acharné, qui promettait d'avoir "la peau de ce salaud", tout en envoyant dans le même temps des lettres anonymes pour revendiquer ses actes barbares...
"La prochaine fois je viserai le cœur" est donc un portrait de Lamare, qui met en évidences les multiples failles de cet être paradoxal, comme autant de pistes potentielles pour expliquer sa déviance : maladie mentale (il sera déclaré irresponsable de ses actes), hallucinations, homosexualité refoulée, éjaculation précoce,...
Guillaume Canet incarne avec talent ce personnage complexe et torturé.
Hélas, en se limitant au point de vue du tueur, le film d'Anger manque terriblement de souffle et de suspense. Je comprends que le réalisateur n'ait pas voulu tourner un ersatz de "Faites entrer l'accusé" sur grand écran, mais cette enquête passionnante aurais mérité une approche plus orientée polar, tant les aspects mystérieux et les rebondissements semblaient potentiellement romanesques.
Au contraire, on se trouve face à un film lent, presque contemplatif, à l'ambiance glauque et déprimante, soulignée par une photographie grisâtre.
La mise en scène de Cédric Anger est soignée, à l'image de sa reconstitution d'une province triste et sans éclat dans les années 70, mais ses différents parti-pris aboutissent à une œuvre qui manque cruellement de rythme, presque ennuyeuse par moments.
Bref, "La prochaine fois je viserai le cœur" propose une esthétique originale mais sa dimension policière n'est guère enthousiasmante. Pour caricaturer, je dirais qu'on est plus proche de l'atmosphère d'un "Henry, portrait d'un serial killer" que d'une enquête façon "L'affaire SK1", sorti également cette année.
Heureusement que l'interprétation habitée des comédiens sauve le spectateur d'un certaine apathie, Guillaume Canet en tête, bien secondé par Ana Girardot et Jean-Yves Berteloot, le reste de la distribution étant composée d'inconnus.
A la décharge du film, je dois quand même préciser que je connaissais très bien l'affaire Alain Lamare, ce qui a forcément nui à mon ressenti général.