Torses bombés, fraternité et volupté des corps suppliciés, tels sont les ingrédients de ce wu xia pian sanglant signé par Chang Cheh, l’ogre de la Shaw Brothers.


Dans des décors en carton pâte et avec toujours ce souci de mettre en avant la force et la virilité des hommes de combats, des guerriers, sorte de figures emblématiques fantasmées dont les corps finissent en lambeau après avoir usés de leur lame, le grand Chang Cheh rassemble son duo d’acteur HK favori, en l’occurrence David Chiang et Ti Lung pour un festival de chair et de sang sous-tendu par une approche chirurgicale dans sa manière d’appréhender ces confrontations. Une caméra portée viendra s’immiscer au cœur du combat dans un final apocalyptique qui n’a d’égal que celui de son pendant westernien américain, je pense bien entendu à La Horde Sauvage de Peckinpah.


Avec un grand sens de la direction d’acteurs, le Cheh a ses favoris et les connais biens, la gestuelle et les déplacements des personnages étant envisagés avec une sorte de fatalisme qui conduit à l’inévitable final cathartique.


La vengeance d’un homme qui a perdu son bras… n’est-ce pas là un argument implacable, surtout quand il s’agit d’un épéiste de renom qui refuse le fatalisme de cet émasculation… car de castration il est bien évidemment question dans cette digression évidente. Que peut-il arriver de pire à un homme dont le sabre s’inscrit comme un langage transfiguré par son habileté au maniement des armes…


Avec une puissance émotionnelle forte qu’il est fondamental de mettre en avant, il s’agit avant tout de traiter du désarroi d’un être humain face à l’impensable fatalité qui jalonnera définitivement son existence, Chang Cheh donne à son œuvre une intensité indéniable. Nous préparant à ce final mémorable, celui sur lequel la légende s’est construite. Un pont, des centaines de guerriers implacables, un homme avance, seul, son arme et son âme guerrière et… le sang, la mort et la dimension quasi mystique qui sous-tend cette apocalypse salvateur. La rage.

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le 14 nov. 2018

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