Celui-là fait très mal : tout à coup la solitude, le mal-être, la misère affective, le manque d'amour, se somatisent. Ce qui jusqu'ici était supporté d'une manière apparemment indifférente, insouciante, ce qui en fait n'était pas vraiment vécu, mais, qui, juste, "était", comme un fait, dont tout le monde s’accommode et finit par ne plus remarquer, agresse le corps. Cette fois-ci, les choses s'aggravent, montent d'un niveau. On ne peut plus passer à côté du problème, comme dans Les Rebelles du Dieu Néon ou Vive l'amour ; cette fois-ci, il y a crise.
Crise du côté de Lee Kang Shen, dont le corps souffre de ne pas être convenablement touché, caressé ; se disloque de ne pas recevoir physiquement, dans sa chair même, les marques d'une affection. Le cri de désespoir impossible, le manque d'amour ineffable, est transféré du psychique au physiologique, et hurle sa douleur dans le langage aliéné du cou déformé.
Crise du côté du père, qui lui souffre de l'impossibilité de fournir ce geste d'amour, ce geste de tendresse. Et qui, du coup, les réclame, mais là encore dans un langage aliéné : on ne lui donne que des gestes de plaisir, des gestes sensuels. Il y a un terrible malentendu, qui se perpétue, faute d'être su.
Les deux côtés s'exaspèrent, montent aux extrêmes, persévèrent chacun éloigné de l'autre, creusant toujours plus l'abîme du malentendu. En sorte que la rencontre entre ces deux atomes est une déflagration : il y a heurt, choc, de deux solitudes, qui croient se satisfaire l'une l'autre, mais qui au contraire s'apportent réciproquement la plus mauvaise des réponses possibles.
C'est un film d'une profonde tristesse.