Dès les premiers coups d'éperon, nous voilà propulsés dans les grands espaces sauvages d’Amérique du Nord, au beau milieu du XIXe siècle, en pleine conquête de l’ouest. On y découvre un John Wayne impitoyable qui laisse volontiers aux indiens le scalp de sa promise, le bougre est déjà tourné vers les terres isolées et leurs promesses de fortune. De l’aveu même de John Wayne, sa première collaboration avec Howard Hawks est sa bascule, son premier grand rôle. C’est également une première incursion dans le western pour Howard Hawks qui après l’énorme succès du Grand sommeil pose ses bourses sur la table pour produire La rivière rouge, joli bide qui mettra rapidement fin à ses rêves d’indépendance. Tant pis pour le succès, cette Rivière Rouge est magnifique, peut-être la plus belle expression de l’ouest américain telle qu’on peut l’admirer dans la saga Lonesome Dove de Larry McMurtry. Le réalisme des fabuleuses scènes de convoi de bétails épouse à merveille la peinture psychologique de ces infortunés héros. C’est là qu’intervient Monty Clift, dans son premier rôle au cinéma, et diantre ce qu’il est beau ce garçon, bien avant d’aller s'écraser la face en voiture façon James Dean. Le gamin illumine chaque plan par sa gestuelle, ses expressions et l’opposition qu’il incarne de l’autorité despotique et névrosée d’un John Wayne qu’on n'avait encore jamais vu à ce niveau de subtilité. Leur amitié contrariée annonce déjà le Rio Bravo en gestation dans l’esprit de Hawks. Tandis que la confrontation entre le jeune démocrate conciliant et l’autoritaire texan à gros santiags dessine la future bipolarité d’une nation en cours de création, et qu’on adore détester, à moins que ça ne soit l’inverse.