Sorti l'année dernière, Introduction affichait un dépouillement total ; esthétique d'une part, même pour un film de Hong Sang-soo, et scénaristique de l’autre, les relations entre les personnages étant à peine effleurées. Il en résultait un film assez hermétique et ennuyeux dont on attendait inlassablement le développement, bien loin du Jour d'après ou de Hotel by the river, qui utilisaient des sujets universels (le couple, la famille) pour toucher le spectateur malgré leur retenue.

La Romancière, le film et le heureux hasard s'en sort mieux que la précédente création du maître : on trouve ici quelques moments de grâce, à l'image de cette relation passée que l'on devine en quelques regards lors d'une très réussie scène de beuverie (encore). Pour autant, la magie ne prend pas. Car le moteur du récit est tout autre : Hong Sang-soo refuse d’explorer la complexité des relations humaines et se conforte dans l'auteurisme méta, se créant deux alter-égo pour mieux regarder son nombril. Ses questionnements sur l'art (ou plutôt : sur son art) nous sont parvenus presque sans détour, les personnages n'étant que des éléments de réflexion plus ou moins explicites, très peu vecteurs d'émotions malgré l'attention portée à leurs visages.

Il y a quelque chose de frustrant à voir un réalisateur talentueux se complaire dans une formule limitée dont on cherche les petites variations pour y trouver du sens, dans un rapport finalement similaire au cinéma commercial. Il n’est pas question de reprocher à Hong Sang-soo sa constance, mais son automatisme : quelle flamme anime La Romancière, le film et le heureux hasard, si ce n’est le plaisir de la comparaison et le confort de l’habitude ?

Cette redondance ne serait pas aussi frustrante si ce dernier film n'était pas lui-même basé sur une double-répétition ; celle de la structure (une succession de rencontres et retrouvailles plus ou moins impromptues), et celle au sein même des séquences, alternant inlassablement entre dialogues signifiants et quotidiens. On navigue d'un moment de flottement à un autre, sans qu'ils ne retranscrivent des sentiments hésitants ou paradoxaux. Au bout du chemin, la démarche semble un peu vaine.

Site d'origine : Ciné-vrai

Contrastes
5
Écrit par

Créée

le 14 mars 2023

Critique lue 27 fois

1 j'aime

Contrastes

Écrit par

Critique lue 27 fois

1

D'autres avis sur La Romancière, le film et le heureux hasard

La Romancière, le film et le heureux hasard
FrankyFockers
7

Critique de La Romancière, le film et le heureux hasard par FrankyFockers

Oui, il y a en effet clairement un sursaut dans ce film-là, et HSS arrive de nouveau à me séduire avec un de ses nouveaux films. ça se voit rien qu'en nombre de plans (ce qui n'empêche pas les très...

le 21 févr. 2023

6 j'aime

Du même critique

Strange Way of Life
Contrastes
3

Soudain le vide

Il y a quelques années, Saint Laurent se payait les marches du Festival de Cannes en co-produisant Lux Æterna de Gaspar Noé, coquille vide qui permettait néanmoins à la marque de s’offrir un joli...

le 17 août 2023

24 j'aime

Unplanned
Contrastes
1

Propagande pure et dure

Même en tant que rédacteur amateur d’un blog à très faible audience, décider de consacrer un article à Unplanned est loin d’être anodin : dénoncé depuis plus de deux ans comme un nanard de propagande...

le 16 août 2021

14 j'aime

2

Knit's Island - L'île sans fin
Contrastes
8

L’ère de l’imaginaire

Les gamers le savent, un serveur peut fermer à tout instant et les joueurs se déconnecter à jamais du jour au lendemain. Les civilisations laissent des traces, les familles abandonnent des photos. À...

le 27 avr. 2023

11 j'aime