Un ancien as glorieux de l'aviation pendant la première guerre mondiale, Roger, en est réduit à se produire - misérablement - dans des meetings aériens aux Etats-Unis où il prend des risques insensés pour tenter d'arracher une prime.
C'est la fascination du danger, le flirt avec la mort, la recherche de cette gloire qui sont devenus les moteurs de la vie de Roger. Tout sacrifier pour conserver ce statut - éphémère - de demi-dieu. Les contingences matérielles et humaines n'ont d'intérêt que si ça lui permet encore et encore de voler dans les airs et de conserver cette gloire.
A ses côtés, une femme, Laverne, fascinée à 16 ans par le pilote auréolé de sa gloire à la sortie de la guerre, qui a tout abandonné, pour suivre ce demi-dieu. Elle s'en fait épouser pour tenter enfin de l'approcher. Elle fait des sauts spectaculaires en parachute et en chute libre pour quelques dollars mais surtout pour atteindre le club très fermé des gens qui volent. Mais, en pratique, elle n'est qu'au service du demi-dieu.
A ses côtés aussi, un homme, Jiggs, un rampant, subjugué par le demi-dieu dont il se sent responsable. Il n'est qu'au service du demi-dieu qu'il envie terriblement. Que ne ferait-il pour lui ressembler sinon s'offrir une paire de bottes de pilote que lui reprochera, d'ailleurs, Roger qui tient à maintenir la distance entre eux.
A ses côtés aussi, un enfant de douze ans, son fils, qui est en adoration et qui tente de l'imiter sur l'avion d'un manège.
Soudain, un journaliste, Burke, s'approche et s'introduit dans ce groupe de quatre personnes. Il est fasciné par le personnage héroïque de Roger, par sa gloire passée et se donne pour objectif de réhabiliter l'homme, au moins, aux yeux des lecteurs du journal.
Burke, c'est la caméra ou l'oeil de Douglas Sirk, comme on veut. Plein d'empathie et de compréhension qu'il tient à partager avec le spectateur.
D'abord, à propos du public qui assiste aux meetings avec un oeil de voyeur, dans le but inavoué de voir un de ces demi-dieux se casser la figure. Un oeil voyeur pour voir sous les jupes de Laverne descendant en parachute...
Et puis, la profonde désillusion quand il perce le fonctionnement du groupe et en particulier de Roger face à Laverne. Il découvre avec tristesse jusqu'où peut aller la passion et le sens de sacrifice de Laverne.
Le casting choisi par Douglas Sirk est brillant. Il a repris une partie des acteurs qui avaient joué dans le non moins magnifique "Ecrit sur du vent" à savoir Robert Stack, Dorothy Malone et Rock Hudson.
Robert Stack interprète le rôle de Roger, le pilote. Son regard très clair, qui n'a jamais l'air de fixer quelque chose de précis, un peu comme le regard d'un aveugle, convient bien pour ce personnage qui ne vit que dans la poursuite d'une passion - à n'importe quel prix - qui n'a plus grand chose d'humain.
Dorothy Malone joue le rôle de Laverne, la femme si consciente que son amour humain n'est pas à la hauteur de son idole. Elle est sublime dans la scène où son mari lui demande d'aller intercéder auprès d'un "sponsor" pour obtenir un avion. Je l'adore dans la scène intimiste dans la nuit lorsqu'elle se confie à Burke.
Rock Hudson joue le rôle du journaliste Burke qui observe et pénètre le groupe. Il est magnifique dans le rôle amoureux de Laverne, prêt à s'humilier à sa place. Lorsqu'à la fin, les masques tombent, les illusions se dissipent, tel Orphée, il ira chercher Laverne au fond des Enfers pour la ramener, elle et son fils, à une vraie vie.
La mise en scène de Sirk est très précise et très efficace dans les scènes d'aviation mais aussi les scènes plus intimistes. La scène dramatique où l'enfant est bloqué dans le manège qui tourne inlassablement, livré à lui-même, alors que le drame se noue, est intense.
La photographie en noir et blanc sur un format du film en scope est somptueuse.
Le titre de la VF qui se voudrait peut-être optimiste avec l'allusion à l'aube ne traduit pas du tout le titre original "The Tarnished Angels" qu'on pourrait traduire littéralement par "les anges ternis" mais qui sonnent plutôt comme "les anges déchus". Sans compter que l'aube pourrait bien être un crépuscule.
C'est un magnifique mélodrame de Douglas Sirk avec des acteurs très impliqués dans leurs rôles respectifs.