Synopsis : Le mecanicien Sisif a recueilli au cours d'un accident une petite orpheline, Norma. Plus tard elle suscitera en lui une passion irraisonnee.

Alors que les superproductions s'enchainent dans les contrées hollywoodiennes, beaucoup de nouveaux mouvements émergent du côté européen. L'expressionnisme allemand a certes la cote mais, du côté français, le cinéma n'est pas en reste. La première vague pointe doucement le bout de nez et Abel Gance en est l'un des précurseurs. Après son chef d'oeuvre "J'accuse" sortie en 1919, le cinéaste français s'essaye à une oeuvre monumentale : la Roue.

Ce film dramatique mélange la forme du cinéma américain avec le fond du cinéma allemand. En effet, un gros budget, des techniques malignes et efficaces mélangée à une psychologie torturée des personnages principaux ; voici comment on pourrait qualifier le film de Gance.

Commençons par parler des personnages, figures de proue qui portent le film puisque chacun des 4 protagonistes a un rôle bien distinct. Le héros, Sisif, est sans doute le plus complexe et le plus malsain. Bienveillant envers sa fille adoptive, il finit par succomber à son charme naturel et en devient agressif. Il bascule sans cesse en l'amour et le dégout devant une femme qu'il ne pourra jamais convoité. Son développement est intéressant puisque lui-même se rend compte de ses faiblesses et tente, malgré ses sentiments, d'y remédier.

Norma et Elie, les enfants de Sisif, ont eu aussi leurs sentiments forts l'un envers l'autre. Persuadés qu'ils sont issus de la même famille, ils ne peuvent assumer l'inceste et se voilent la face durant toute l'histoire. Enfin, Hersan, virulent manipulateur, parvient à s'approprier Norma dans un amour à sens unique.

Ce triangle amoureux est diaboliquement mis en scène par Gance qui parvient, au sens du rythme du montage et du choix de ses cadres à dramatiser davantage son oeuvre. Le film passe finement d'un personnage à l'autre en mettant en exergue les émotions qu'il dégage.

Néanmoins, le cinéma ne s'étant pas encore imposé comme art majeur, le jeu d'acteur est encore très approximatif. Le cast effectue en effet un jeu très théâtral, où l'expression et la gestuelle sont décuplées.

Niveau technique, on voit l'effort d'une innovation mise en place de Gance, cherchant à explorer de nouvelles sensations chez ses spectateurs. Le montage est particulièrement travaillé, devenue un véritable outil d'expression artistique. Il parvient ainsi à intensifier le drame et l'expérience visuelle, utilisant beaucoup la métaphore du train et la répétition d'images fortes.

D'une durée de 4h30 en version courte, ce film aura marqué les esprits et influencés beaucoup de cinéastes ( Eisenstein, Kurosawa, Cocteau, etc.). Le cinéma français se démarque encore par sa fraicheur, son ambition et son audace.

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le 15 juin 2018

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