Pabst a réalisé un film choral bien avant Altman et Iñárritu ; la finesse n'est hélas pas là...
Intéressant de voir que le film choral est un genre qui n'a pas attendu Robert Altman et Alejandro González Iñárritu pour exister.
En témoigne ce film muet réalisé par Georg Wilhelm Pabst, le cinéaste allemand le plus talentueux de l'époque après Fritz Lang et Murnau, où le rue du titre sert de prétexte à montrer le destin d'une dizaine de personnages en se focalisant surtout sur deux d'entre-eux, l'un incarné par Asta Nielsen l'autre par Greta Garbo avant qu'elle ne devienne "La Divine" mais qui montrait photogéniquement qu'elle avait déjà tout pour le devenir.
La structure narrative, la technique pleinement maîtrisée, le contexte de l'histoire sur fond de grave crise économique, éventuellement la présence de Greta Garbo dans sa deuxième grande apparition au cinéma après l'excellent "La Légende de Gösta Berling" suffisent à en faire une oeuvre incontournable mais pas forcément réussie...
Autant "Loulou" et "Le Journal d'une jeune fille perdue" sont des très grandes œuvres qui doivent certes beaucoup à la mythique Louise Brooks mais aussi à une histoire efficace et à la profondeur des personnages qu'elle incarne, autant quand Pabst décrit plusieurs personnages il n'arrive pas à aller au-delà de la caricature (du moins ici car il arrivera remarquablement à relever cette gageure avec "La Tragédie de la mine" !!!).
Les pauvres ont juste pour fonctions d'avoir l'air le plus famélique possible et de faire la queue devant le boucher, les exploiteurs de milieu modeste (dont notre boucher !!!) sont des salopards finis et rien d'autre, les riches à part s'enrichir semblent ne se complaire qu'à faire chier le plus possible les pauvres et à fumer des cigares de dix kilomètres de long. La fin moralisatrice n'arrange en rien, faisant au contraire que mieux la montrer, cette grosse faiblesse.
Pourtant il y a une ou deux scènes qui par elles-mêmes arrivent malgré tout à faire impression ; à l'instar de ce qui est peut-être la séquence de sexe suggérée la plus glauque de l'Histoire du cinéma où une femme se prostitue avec le boucher au milieu de quartiers de viande pour obtenir un peu de bidoche.
Mais cela ne suffit pas à atténuer une grosse déception m'attendant au vue de la réputation du film à un classique du cinéma muet.