Eugène Green parvient toujours à faire surgir, dans son cinéma raide, des émotions étonnantes. Ici, en l'occurrence, une joie. Très exaltée, soudain, qui vient soulever le visage des comédiens, et qui se transporte jusque nous, entre deux explications architecturales un peu poussives ou deux panoramiques un peu moches. Eugène Green n'est pas un paysagiste, pas un contemplatif non plus, mais il semble avoir besoin d'inscrire dans une certaine forme de contemplation son cinéma pour que l'exaltation qui en est le secret puisse sourdre abondamment. Eugène Green est en fait un génie des visages. Qu'il ferme à dessein au début de La Sapienza, pour que leur éclosion, leur épanouissement progressif nous submerge. La Sapienza est l'histoire d'une rencontre, et en cela il agit comme métaphore artistique absolue : les personnages s'approchent les uns des autres comme nous nous approcherions d'un tableau, dans un mélange de prudence et de concentration. Ce qui leur arrive est précisément ce qui nous arrive quand nous voyons un film d'Eugène Green.