Difficile de trouver une entame pour parler de cet immense chef d’œuvre qu'est La Strada de Fellini. Film éclairé d'un magicien au sommet de son art, c'est une fusion parfaite entre émotions pures et fantasme de cinéma. Entre mélodrame existentiel narrant les déambulations de troubadours égarés et chanson de geste mêlant onirisme et constat glaçant. La critique gauchiste de l'époque attaqua Fellini sous des prétextes fallacieux nonobstant son parti-pris délibérément anti-néo-réaliste et ses "débordements" à connotions spirituelles, n'y voyant, à peu près que les limites idéologiques de tout militantisme politique.
Le couple Anthony Quinn/Giulietta Masina y est remarquable de justesse dans leur rôle respectif de gens du spectacle itinérants parcourant les routes d'Italie à bord de leur moto-roulotte. Lui en ours antipathique et violent cachant sa profonde détresse dans ses débordements de colère, un Hercule de foire au faciès d'ogre qui promène sa dégaine nonchalamment. Elle, en ange aux ailes de verre, avec son regard perdu et ses gestes primaires, passant de joie à tristesse, une sorte de Stan Laurel féminin à la tête de hibou.
Le film regorge de moments magiques entre mélodrame existentiel et pure fantasmagorie où le temps semble suspendu. Suffisamment de scènes inoubliables découlant de la dilatation du temps dans un déluge de beauté filmique témoignent du caractère unique de ce très grand film. L'une de ces œuvres pour lesquelles le cinéma a été inventé.
Sous la caméra du très grand cinéaste que fût Fellini restent figés à jamais de pures moments de grâce relevant du génie. Peu de réalisateurs sont parvenus à atteindre un tel niveau d'inventivité dans leur mise en scène. Inventivité visuelle issu du cinéma muet, Giulietta Masina en pendant féminin d'un Charlie Chaplin, mais également créativité émotionnelle et incroyable faculté de figer des images que l'on ne peut oublier.
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