Précisons en première lieu que je suis consciente de ne pas être la cible de ce type de film et que je n'ai pas non plus lu le cycle de romans dont est tiré la stratégie Ender. Si le film se débrouille plutôt bien d’un point de vue technique, avec des belles images et une très belle construction d'univers (si on exclut les immondes images du jeu vidéo) — j'ai particulièrement aimé les décors et les costumes — je n'ai tout simplement pas accroché à son histoire principale.
Est-ce que c'est dû à la volonté des studios d’en faire une future saga et donc des choix d'adaptation réduisant au maximum les séquences explicatives ? Toujours est-il que je n'ai trouvé aucune justification satisfaisante au fait d'envoyer des enfants de moins de 15 ans diriger des armées lors d'une guerre intergalactique. À partir du moment où cet élément initial n'est pas accepté, le film s'écroule. On me dira « Comme ils ont moins de 15 ans ils sont plus manipulables et ils sont plus libérés lorsqu'ils jouent un jeu et ne se rendent pas compte des conséquences. ». Mais ça c'est tout à fait vrai avec des adultes, on pourrait par exemple citer les pilotes de drone américains qui ont admis se sentir plus détachés et ne pas mesurer de la même manière les conséquences immédiates de leurs actes (mais avec des conséquences psychologiques à long terme tout aussi terribles). On me dira également « éduqués et embrigadés dès la plus tendre enfance, ils sont de vrais génies et bons soldats », certes mais pourquoi ne pas attendre qu’ils soient majeurs, avec 3 ans d’apprentissage en plus tout en dépassant la période hormonale et psychologiquement instable de l'adolescence. Après tout si on pouvait faire un parallèle avec un film comme Starship Troopers des lycéens pourtant embrigadés jeunes attendent d’être majeurs avant de partir au front.
Si on dépasse ce postulat, le film se construit de manière relativement classique sans grande surprise. Le reproche qu'on pourrait lui faire c'est un enchaînement beaucoup trop rapide qui nuit à sa crédibilité : en effet alors que tous ces petits camarades progressent relativement lentement, Ender et son groupe de potes passent d'une étape à l'autre sans aucune difficulté, sans avoir le temps de se poser. Les personnages qui l'entourent sont assez peu développés (encore une décision des studios ?), et servent plus des fonctions uniques pour accélérer le récit sans réelle profondeur. Ni Ender ni les autres n’évoluent pendant le film. Ender est présenté comme « un élu », lui donnant une dimension quasi-religieuse dans un milieu paradoxalement militaire et déshumanisant.
Ajoutons à ça que sa stratégie finale n'a pas grand-chose d'extraordinaire (encore une fois une adulte pourrait y penser, en quoi cette stratégie est spécifique à un adolescent) et son revirement moral dans un film n’ayant pas vraiment développé de versant psychologique ou émotionnel reste artificiel. Surtout que le film balaie rapidement ce passage avec une tentative de rédemption, annulant alors la portée génocidaire de son acte pour transformer Ender en sauveur rebelle.
La stratégie Ender est donc un film fortement militariste avec un fond religieux sous-jacent, où les acteurs sont enfermés dans une seule facette de leur personnage sans évolution ni émotion, avec des relations unilatérales (on voit rarement plus de deux personnages interagir ensemble). Le tout propulsé à la vitesse d’une centrifugeuse pour ne pas laisser de recul au spectateur. Du pur contenu de divertissement sans fond, et c’est bien triste si on en croit ce que disent les connaisseurs du matériau d’origine.