La stratégie pour les nuls
Lorsque j’ai appris la sortie du film, je me suis dit « Bon, il faudrait quand même que je lise ce classique, ça serait dommage de me le faire spoiler par un film surement moins bon que le livre ». J’ai donc dévoré le bouquin, que j’ai trouvé exceptionnel.
Bref, j’abordais donc ce film sans réelles attentes, étant donné les nombreux cas d’adaptations tirées d’un livre ratées (ou en tout cas largement en dessous du livre). Sachant aussi très bien que vu le contenu très riche du livre, tout ne pouvait évidemment pas être retranscrit dans un unique film.
Il était évident que toute la partie avec Valentine et Peter allait être mise de coté, ce qui était de toute façon une chose à faire. La scène du radeau étant l’exception, puisqu’elle vient assez tard et permet de reposer l’action et les enjeux, un genre de coupure qui permet du coup au film de se calmer, puisqu’elle précède et qu’elle suit un certain nombre d’actions importantes.
C’était une scène bénie pour une adaptation cinématographique, et cette scène est à mon sens la plus réussie du film (ce qui est surprenant pour un film plutôt orienté « action » , au sens large du terme bien entendu)
Paradoxalement, le problème majeur que j’ai rencontré avec ce film n’est pas (directement) en lien avec le livre.
Le problème vient des personnages. Alors peut être que j’étais attaché aux personnages du livre. Certainement d’ailleurs. Mais ici, je les trouve plats et inintéressants.
Ender, l’affection que j’ai pour lui a été immédiate. Il est tout de suite présenté en ‘victime’, comme le petit dernier (le Troisième) que personne ne voulait, que personne n’aime –mis Valentine de coté– , battu par son frère. Et c’est de ce coté solitaire qui provoque l’affection du lecteur. Le passage dans la navette pousse à son paroxysme ce sentiment de solitude, puisqu’il est pointé du doigt par celui qu’il croyait son allié (le Colonel Graff), lui le plus petit, le plus jeune et le plus intelligent, et du coup directement mis à l’écart par les autres.
Dans le film, on met bien en place le coté intelligent d’Ender, mais sa solitude est clairement délaissée. Du coup, aucune affection ne vient pour ce personnage, qui semble même parfois hautain.
La scène de la navette dans le film montre exactement ces défauts : On pointe qu’Ender est intelligent puisqu’il comprend très vite qu’il n’y a plus de haut ni de bas, mais c’est tout. Point de mise à l’écart, point de solitude, point de martyrisation. Ce n’est même plus le plus jeune, puisque Bean est déjà présent.
L’attachement vis a vis d’Ender est également nul puisque toute notion d’apprentissage est complètement délaissée. Il ne sait pas faire ? Pouf, trente seconde après il est devenu plus fort que tout le monde. Toute notion de difficulté, de surpassement de soi et de réflexion est passée sous silence, toutes ses notions permettant de rendre Ender « le surdoué » plus humain.
Le traitement des différentes scènes tirées du livre est assez inégal. On note certains changements inutiles. J’ai déjà cité la présence de Bean dès le départ, bien que je comprenne le choix de ne pas vouloir ajouter un personnage en milieu de film.
La scène de découverte de la salle de combat est bien rendue, mais quel intérêt de remplacer Alai par Bean ? De même, quel intérêt de faire changer Petra de camp dans la dernière bataille ( à part ‘C’est ma copine, je veux pas me battre contre elle’)
Enfin, citer des passages du livre, c’est bien, mais si ces passages font références à d’autres passages antérieurs et que le film a décidé de faire abstraction de ces passages, on obtient vite des incohérences …
Par exemple, le coup de « On se met en manœuvre – Mais on en fait jamais – Justement ça va les surprendre », ça ne marche pas quand il n’y a pas de bataille avant…
En bref, un blockbuster qui peut être sympathique pour qui n’a jamais entendu parler de l’œuvre d’Orson Scott Card, mais si vous avez le choix, le livre est un bien meilleur choix.