Dans le registre « on ne comprend pas toujours bien mais cela n'en est pas moins très classe », « La Taupe » s'impose comme une vraie réussite, d'autant que ces films d'espionnage froids et réalistes sont de moins en moins nombreux. Il faut dire que lorsque vous adaptez l'un des romans phares de John Le Carré, vous partez sur de bonnes bases. Et si certains seront assurément insensibles à ce rythme assez lent, j'avoue m'être totalement immergé dans cet univers totalement désincarné. A l'image de ces bureaux moches, gris, impersonnels, il n'y a que peu d'espoir dans ce récit faisant la part belle aux personnages, mais surtout à une atmosphère magnifiquement rendue, bien aidée en cela par la remarquable mise en scène de Tomas Alfredson, comme en témoigne plusieurs plans superbes, sans oublier un montage sonore digne des plus grands.
Difficile de résumer une œuvre aussi riche, où la solitude et l'indifférence seraient quasiment les seuls remèdes pour survivre. Le plus ouvert de tous : George Smiley, pourtant pas un gros déconneur, mais permettant, avec le jeune Peter Guillam, de donner un peu d'humanité à ces services secrets faisant froid dans le dos. Le montage, alternant subtilement passé et présent, finit de rendre cette sombre histoire séduisante, d'autant qu'elle a beau rester très sobre, elle nous épargne peu concernant le sort des différents espions.
J'ai au passage bien conscience que cette critique manque de fluidité, mais « La Taupe » est à la fois tellement complexe et fascinant qu'il est bien difficile d'en parler à travers de simples mots, l'image et le son exprimant infiniment plus durant deux heures. Et s'il a, avouons-le, ses baisses de régime de temps à autre, le film, fort également d'un casting impressionnant, n'en reste pas moins l'un des grands moments de ce début 2012 : chapeau l'artiste.