Ce film de 3 heures, librement inspiré de la bande dessinée Le Bleu est une Couleur Chaude de Julie Maroh, raconte, de sa naissance à son essoufflement, l'histoire d'amour entre une jeune fille de 16 ans, Adèle, qui découvre sa bisexualité et Emma, une attirante lesbienne aux cheveux bleus. Mais malgré la longueur du film, on ne voit pas le temps passer car l'histoire, poignante, mobilise notre attention et nos émotions.

La construction de La Vie d'Adèle est intéressante car certains éléments laissent présager de la suite et se font écho. On peut remarquer, par exemple, que le film débute par une lecture de La Vie de Marianne de Marivaux dans la classe de lycée d'Adèle. La similarité entre les noms de ce livre et du film lui-même nous mettent déjà la puce à l'oreille, et les commentaires du professeur confirment nos soupçons. En effet, il y est question de la nature du coup de foudre et du fait que lors d'un coup de foudre, un manque vient toujours à paraître... Dans un autre cours, le mythe d'Antigone est abordé. Celle-ci, étant une enfant, devient adulte trop vite, ce qui résulte en une tragédie. Là encore, on peut trouver des similitudes avec l'histoire d'Adèle et d'Emma. Enfin, une scène tout à la fin du film fait écho à celles du début car Adèle, devenue institutrice, apprend à lire aux enfants et c'est donc elle, à présent, qui dirige ces lectures de groupe...

En ce qui concerne la réalisation en elle-même, j'ai été un peu déçue par rapport à mes attentes (ce film a tout de même été primé palme d'or du festival de Cannes 2013!). Tout d'abord, le déroulement de l'histoire, qui s'étend sur plusieurs années, n'est absolument pas clair dans ce film. L'intrigue fait des bonds en avant de plusieurs mois ou même d'une année sans qu'aucun moyen soit mis en place pour nous le faire savoir. Nous pouvons le deviner ensuite grâce au contexte, mais ce flou temporel nous pousse à sortir du film un instant afin de nous resituer. De plus, certaines situations problématiques survenant dans ce film ne se trouvent jamais résolues. Qu'il s'agisse des amis d'Adèle lui reprochant son homosexualité ou de ses parents qui pensent qu'Emma l'aide juste pour ses dissertations de philo, une fois le problème considéré, il est apparemment éludé et l'on ne voit plus ces personnages apparaître de tout le film. Peut-être s'agit-il d'un manque de temps, mais toujours est-il que des solutions sont apportées dans la BD et qu'elles rendraient le déroulement de l'histoire plus constistant.

La manière dont La Vie d'Adèle a été filmée me pose également quelques problèmes, mais il s'agit peut-être là de goûts personnels. La caméra est très mobile et nombre de gros plans son faits sur les visages. Ce procédé est assez fatigant, surtout lorsqu'il s'agit de gros plans sur la bouche de personnes en train de manger des spaghettis... Ce n'est pas terriblement agréable à observer ! De plus, les transitions sont brutales, et l'on passe souvent d'un tranquille repas à une sauvage scène de sexe (qui sont d'ailleurs toujours très crues et, pour reprendre les mots d'Oli, « pas très subtiles »)... Mais ce dernier point est peut-être une tentative de la part des réalisateurs d'imiter le style de la bande dessinée, où la séparation des cases permet mieux ce type de transitions. Cependant, il y a un grand soin accordé aux images et certaines scènes sont vraiment magnifiques. Ma préférence va, je pense, à celle où Adèle et Emma sont dans un parc, lors d'une de leurs premières rencontres...

La Vie d'Adèle est donc un film émouvant et intrigant, mais comportant de nombreux défauts par rapport au chef-d'oeuvre qu'est la BD Le Bleu est une Couleur Chaude. On en ressort tout de même secoué, et ce film laisse une drôle d'impression, comme un manque peut-être ; comme celui qui résulte d'une histoire terminée, comme si on en ressortait avec quelque chose en moins... Une profonde tristesse émane de ce film, et le ressenti d'Adèle à la fin de son histoire avec Emma nous envahit tous, à savoir qu'elle a gâché son seul grand amour et que ce regret la poursuivra toute sa vie. Pourtant, le film se termine sur une note d'espoir, mais un espoir qui ne tient plus qu'à un fil.
Citronine
7
Écrit par

Créée

le 19 oct. 2013

Critique lue 536 fois

Citronine

Écrit par

Critique lue 536 fois

D'autres avis sur La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2
OEHT
10

Tomber amoureux

Une fille sort de chez elle au petit matin, s'éloigne dans la rue en remontant son pantalon puis se met à courir pour attraper son bus. Dans le train qui la mène au lycée, elle s'endort et nous...

Par

le 10 oct. 2013

245 j'aime

38

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2
guyness
5

Terre Adélie

Alors, je précise d’emblée que pour pouvoir apprécier la vie d’Adèle, il faut pouvoir mettre de côté deux ou trois détails qui pourraient agacer: le fait que sur près de 30 personnes qui ingurgitent...

le 19 févr. 2014

160 j'aime

29

Du même critique

Persona
Citronine
10

Un huis-clos existentiel

Ce film en noir et blanc s'ouvre et se ferme sur les mêmes images d'un garçon caressant un lointain visage de femme. Lointain par impossibilité d'aimer ? L'histoire commence par la présentation...

le 22 janv. 2012

8 j'aime

1

Nuage et eau
Citronine
8

Critique de Nuage et eau par Citronine

Nuage et eau. Unsui en japonais. Ces mots évoquent l'éphémère, le parcours cyclique de l'eau qui se répète encore et toujours. La notion de simple passage sur terre, laissant à peine une trace, est...

le 21 janv. 2012

6 j'aime

6

Un peu après la fin du monde
Citronine
7

Un peu après la fin du monde, une lecture qui nous emmène au-delà de l'histoire...

Objet surprenant que ce livre vert clair au titre évoquant la science-fiction. Rien dans son aspect extérieur ne nous prépare à son contenu – univers sombre, presque lynchéen, où la mort guette et où...

le 22 janv. 2012

4 j'aime