La plus vieille histoire du monde
Ça commence à faire un petit moment que je n'ai plus écrit de critique, aussi bien parce que j'ai un peu la flemme depuis quelques semaines, probablement à cause du retour du mauvais temps, que parce que j'ai un emploi du temps assez spécial et légèrement surchargé depuis la rentrée (ouais je vais plus à l'école mais c'est une date qui parle à tout le monde au moins), mais assez parler de ma vie, intéressons nous plutôt à celle d'Adèle.
Kechiche s'est toujours illustré à travers sa facilité à filmer le quotidien, en nous offrant de longues scènes, j'insiste sur le « longue » car c'est désormais l'un des rares réalisateurs qui sait prendre son temps, de la vie de tout les jours, banales ou sans intérêts au premier abord mais qui prennent tout leur sens dans la globalité car toujours percutante et illustratrice de ce qu'elle ont pour but de refléter. Thème commun et récurrent de son travail, il ancre ses récits dans une réalité sociale sans jamais tomber dans les clichés, les lourdeurs et les lieux communs. À ce titre dans son dernier chef d’œuvre il se refuse de traiter de l'homosexualité, n'y voyant qu'un morceau de vie particulier à une personne propre. Et c'est peut être là tout l'essentiel, Kechiche ne TRAITE PAS de l'homosexualité dans son film, il traite du passage de l'adolescence à l'âge adulte, du développement de soi, de l'amour et d'un tas d'autres choses mais l'homosexualité n'en fait pas partie, d'ailleurs tout le monde s'en cogne qu'elle soit lesbienne. À aucun moment le film ne va se politiser ou ne s'engager d'une quelconque manière que ce soit, on suit, on vit, la vie d'Adèle et rien d'autre et ça c'est beau.
Jeune fille de 17 ans au début du film, nous la suivons au travers de sa recherche d'elle même au sortir de l'adolescence alors qu'elle se sent à la fois différente et incomplète, des sentiments sommes toutes communs à nombre d'entre nous et c'est justement cette proximité avec le spectateur qui va faire de ce film une expérience riche, passionnante, émouvante et renversante. Passé la rapide recherche de l'identité sexuelle, et c'est tant mieux que ce soit expédié aussi vite tant ce n'est pas le sujet du film, on peut enfin vivre la vie d'Adèle, parce que c'est bien ce qui arrive, on ne regarde pas, on ressent, on rit avec elle, on pleure avec elle, on encaisse, on surmonte et on tombe avec elle, on succombe sous ses petite mimiques, ses regards, ses faiblesses, ses peurs et ses angoisses, on s'identifie à elle de manière tellement profonde – sans jamais que ça en devienne malsain – qu'on en oublie qu'elle est fictive. C'est là toute la force du film, et le ridicule sous lequel se noient un peu plus les détracteurs du film qui cherchent à le faire passer pour un message de propagande pro mariage gay alors qu'ils ne l'ont pas vu (ce qui fait d'eux des crétins entendons nous bien), toute cette histoire aurait pu être celle de n'importe lequel d'entre nous, car ce n'est que l'histoire d'une fille qui tombe amoureuse.
Toute cette empathie qui nous est offerte est rendue possible par la maîtrise de son réalisateur qui éparpille tout au long de sa création nombre des séquences emplie de bonheurs simples. On vit la vie d'Adèle parce qu'on nous la montre dans son entièreté, de ces scènes au lycée avec ses copines ou en classe, ce petit garçon qui offre des fleurs à sa maîtresse, son anniversaire surprise et cette scène de danse qui l'accompagne, le spectacle de fin d'année à l'école ou encore la dictée, tout ces moments qui durent, durent et durent encore mais qui ne font ressentir les trois heures du film à aucun moment. Jamais parce que ces scènes qui prennent leur temps permettent à notre cœur de se synchroniser avec celui d'Adèle pour ne finalement ne faire qu'un, ces scènes qui nous font avoir peur pour elle, qui nous choquent, qui nous saisissent à la gorge nous empêchant de respirer, qui nous font éprouver une angoisse grandissante au fur et à mesure que les choses avancent parce qu'on n'est pas dans un foutu jeu vidéo, ici les actes ont de réelles conséquences et le retour en arrière n'est pas possible. Alors on frissonne, on espère, on supplie et Adèle vit sa vie et nous la voyons grandir et évoluer mais surtout on remercie le ciel pour chaque seconde de cet extase.
Si Kechiche est en grande partie responsable de cette immense réussite, j'ai parlé de chef d’œuvre un peu plus tôt et je le redis, le tout n'aurait pas eu la même saveur sans la prestation époustouflante des deux actrices mais je tiens surtout à saluer Adele Exarchopoulos pour son courage (parce qu'il en fallait pour tourner ces scènes et s'offrir autant devant une caméra), pour sa beauté, pour sa présence, sa spontanéité et son talent (a-t-on déjà vu des baisers aussi vrais au cinéma ?). D'ailleurs en parlant de « ces scènes » je remarque que je n'ai encore rien dit sur l'omniprésence du sexe et sa mise à l'écran pour la simple et bonne raison qu'elles remplissent leur rôle sans jamais devenir obscènes, choquantes ou intrusives, et pourtant il était presque impossible d'imaginer pouvoir les tourner sans verser dans le pornographique dans la mesure où rien n'est suggéré et tout est montrer dans de longs plans qui là encore prennent leur temps. Tour de force incroyable réussi parce qu'on ne montre pas un acte sexuel quelconque mais deux personnes qui s'aiment et exprime leur amour de la façon la plus pure qui soit.
J'attendais ce film avec une grande impatience sans pour autant me douter de la claque que j'allais prendre ni même espérer être transporté avec une telle force. Pendant trois heures j'ai été Adèle avec tout les moments forts que cela implique et cela restera comme l'une de mes plus belles expériences de cinéma que j'ai vécu !