La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2 par Benjicoq

Ici, on parle du film , pas de ce qu'on en a dit partout, des polémiques et des guerres d'ego, ça ne sera pas le propos. Et je n'ai pas lu la bande dessinée qui a servi de base au film, si ça peut aider.

Et le film est très bien, très beau, mais un peu décevant, si je devais résumer. Kéchiche, comme toujours, est excellent dans sa recherche du "vrai", d'une "vérité" (pas toujours vraisemblable, mais toujours juste). J'aime sa façon de faire durer les scènes plus que de raison; chez lui, moins longues, elles seraient presque trop longues, mais il atteint quelque chose de souvent magnifique et d'assez inédit je trouve en les prolongeant. Le film échappe complètement au récit attendu de l'adolescente qui apprend à s'assumer et qui passe à l'âge adulte. Déjà parce que finalement, elle ne s'assume que partiellement à la fin du film, et que à mon sens, la maturité et le passage adulte ne sont pas tout à fait atteints quand le clap de fin apparait. Adèle se cherche encore à la fin du film et n'a pas trouvé sa place dans la société.

On assiste uniquement au déroulé d'une histoire d'amour, d'amour fou d'abord et qui s'étiole ensuite. Kechiche filme comme peu avant lui l'amour, les sentiments, et c'est vraiment là que le film est le plus fort. J'aime sa façon de filmer Adèle Exarchopoulos en la réduisant à une une bouche et Léa Seydoux en la réduisant à son regard. Les gros plans sont la base du film mais il parvient à cadrer les visages entiers tout en caractérisant les personnages par ces organes en orientant le regard.

Finalement Emma et Adèle s'aiment , mais n'ont que peu de choses en commun. Les différences de caractère, de milieu , d'âge et d'aspirations font que leur relation est à long terme mise en danger , sinon condamnée. Ce qui les rapproche, le terrain neutre et commun qu'elles ont, c'est le sexe. Et quand cette partie de leur relation finit par faner, elles se retrouvent avec une relation qui bat sérieusement de l'aile. L'arrêt de mort de leur couple, ca n'est pas quand Adèle trompe Emma avec un collègue, c'est clairement quand Emma ment à propos de ses règles pour échapper à un devoir conjugal qui ne l'intéresse plus. Ces scènes de sexe, d'ailleurs parlons-en. Je suis persuadé que des lesbiennes viendront me dire qu'elles ne sont pas réalistes ou représentatives de leur sexualité à elles. Et que c'est très dommage vu le peu de représentativité des scènes lesbiennes dans le cinéma en général. Mais putain, elles m'ont semblé vraies. Pas forcément vraisemblables, j'imagine que ces 3 hétéros qui ont joué et filmé les scènes n'ont pas été "réalistes" et ont du projeter quelques clichés , mais vraies, intenses, troublantes , parfois grotesques , mais je crois que le sexe, le vrai, a ses côtés grotesques qu'on ne perçoit pas parce qu'on n'a pas le recul sur les choses. En tant qu'homosexuel, je n'ai je crois jamais vu au cinéma de scènes de sexe qui m'ont semblé représenter ma sexualité, ma façon d'être et de voir le sexe, mais ce que j'ai vu dans la vie d'Adèle me semble être un compromis intéressant. Parce que ces scènes sont juste dans l'intention, dans leur crudité et leur tendresse, elles sont belles, et importantes. Le sexe ce n'est pas que des préliminaires filmés en contre jour et un fondu enchainé sur un orgasme avec les draps relevés. Les actrices ont donné énormément de leur personne sur ces scènes, avec ou sans prothèses, et je leur donne un coup de chapeau pour avoir permis ça.

Maintenant, le film a des défauts, qui pour moi sont vraiment des déceptions. La première partie du film, qui se consacre à l'amour naissant et à l'hédonisme est vraiment enthousiasmante. mais la seconde partie où les personnages sont émues, bouleversées, chialent et morvent en gros plan ne m'a paradoxalement pas ému pour deux sous. J'étais transporté par le jeu des actrices e la mise en scène sublime de Kéchiche, là je suis resté assez en dehors de tout ce qui se passait à l'écran. Ensuite, les actrices sont beaucoup moins bonnes dans la seconde partie du film, là grosse scène d'engueulade sonne faux et c'est problématique. Heureusement il y a la superbe scène du café ! Formellement c'est immensément maitrisé, les cadres, les lumières sont très travaillés contrairement à ce qu'on dit souvent de Kéchiche, mais sur quelques moments, ça n'a pas fonctionné complètement pour moi. Il y a quelques truc un peu gros dans la façon que kéchiche à d'opposer les milieux sociaux des deux filles. Les bourgeois avec leurs huitres, leurs tableaux, les prolos avec leurs spaghettis simples mais bons, questions pour un champion qui passe quand ils mangent. Ça manque un peu de finesse, quoi.

Mais tout de même, on doit admettre que Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos ont donné des performances immenses sur ce film. Et Kéchiche est peut être un monstre (et il y a surmeent du travail là dessus) , mais en tout cas le résultat est là, et c'est très beau.