Initiation au cinéma de Bruno Dumont. Apres avoir découvert il y'a quelques mois la série P'tit Quinquin et son portrait burlesque et inquiétant du monde rural face à des crimes atroces, je décide de me lancer dans le visionnage de La Vie de Jésus sorti en 1997. Premier long-métrage du réalisateur et premières bases parfaitement posés qui inaugurons un avenir cinématographique des plus prometteurs.
La Vie de Jésus relate l'histoire de Freddy (David Douche), un jeune chômeur vivant avec sa mère à Bailleul. Ses journées se résume à traîner avec ses amis de la commune et sa petite-amie Marie. Sa vie voit un jour se basculer au moment où arrive Kader, un jeune homme d'origine maghrébine cherchant à séduire Marie.
Dans la lignée de P'tit Quinquin, Bruno Dumont filme l'état caricatural actuel d'une France rurale où précarité, chômage et tranquillité de la vie rythment le cœur des habitants. Mais La Vie de Jésus puise son identité dans un naturalisme et une froideur qui laisse P'tit Quinquin dans sa gentille zone enfantine. La violence qui surplombe l’atmosphère de cette campagne n'est pas celle des crimes d'un serial-killer. La violence ici est celle des rapports humains et du comportement de Freddy et de ses amis. Déambulant sur leurs mobylettes, ce ''gang'' contrôle les rues tranquilles de Bailleul et voit leurs vies défilés paisiblement, ponctués par la confrontation avec la maladie et la mort. Mais le chamboulement se produit lorsque la diversité et l'immigration s'installe en ville. Toujours dans un certains absurde, Bruno Dumont filme cette rencontre décuplée de haine et de racisme entre ces simples humains.
Les magnifiques paysages du Nord-ouest à perte de vue sont souvent représentés dans cette élan contemplatif. Mais Freddy reste cloîtré entre les 4 murs de sa campagne et de sa petite commune. L'impossibilité d'aimer et sa violence intérieure peuvent paraître banales pour son entourage. Mais les regards extérieurs et les nouveaux arrivants contemplent cette absurdité de vie et cette menace des plus inquiétantes. Les oiseaux ne chantent plus au printemps et l'amour ne fait plus effet.
Freddy est un être fragile. Lorsque l'irréparable le submerge avec un viol et un meurtre, c'est sa tranquille routine et son identité toute entière qui sont remis en question. Ce plan final de Freddy allongé dans les herbes contemplant l'étendue naturelle de la France décrit bien cette solitude ambiante qui ronge discrètement le personnage dans l'ensemble du film.
La Vie de Jésus est une oeuvre dure et inquiétante. Bruno Dumont exerce son portrait dans un naturalisme violent et difficile. La vision tragique de l'avenir du personnage principale est d'ailleurs à l'image de celle de David Douche. Le jeune acteur amateur incarnant Freddy ne connu par la suite aucune autres expériences cinématographiques et sombra dans la pauvreté. Lorsqu'un avenir radieux tend à s’éclaircir pour David, la mort le rattrape lui et sa compagne avec un tragique incendie dans son appartement de la commune de Hazebrouck.
Bruno Dumont lui rendu hommage avec ses mots : « Il avait une telle fougue, si contenue, que je fis le pari qu’il serait Freddy et que j’en prendrais mon parti. Il accepta le rôle. Bien m’en a pris : une tête de lard donc, mais un acteur de génie et dès le premier jour jusqu’à la fin. J’ai appris sa mort mardi soir et en suis si triste. Un homme redoutable, par sa vie entière et la force qu’elle lui avait donnée ».
Au-delà de part l'intelligence de Bruno Dumont, La Vie de Jésus est un film fabuleux et dur iconisé par un acteur parti bien trop tôt : David Douche.