Quand un film est clairement mis sous le tapis, il peut y avoir plusieurs raisons. Pour celui-ci, j'espérais dans mon for intérieur que ce fut pour de mauvaises raisons.
Dès les premières scènes, on comprend qu'a défaut de saccager le texte support, il ne fait qu'en picorer quelques éléments structurants. Et disons sans détour que le titre alternatif dans certains pays "Madame Rosa" est fort judicieux (affaire que je me dois d'éclaircir). Car du moins sur les deux premiers tiers, c'est bien du point de vue de Madame Rosa que le film se pose; Donc à contre-courant du livre, qui justement a cette remarquable particularité de nous narrer l'histoire du point de vue de "Momo"; Lui qui est si singulier dans son expression et sa façon d'appréhender la vie (c'est l'essence du livre, pour faire court).
Bref, on se retrouve dans un drame assez pauvre et découpé tel un documentaire naturaliste, voire réaliste dans le fond (loin de cette forme qui a fait ses preuves des comédies sociales Françaises "dures" des 80's). Vous comprendrez que nous sommes loin d'un long métrage capable de nous émouvoir et de nous transporter (et pas vraiment d'ordre grand public). Je vous assure: les choix de montage et de mise en scène peuvent servir comme contre-modèle dans une école de cinéma.
On finit par se faire une raison, grâce notamment à Simone Signoret, qui dans cette sorte de traquenard, s'en sort avec dignité (qui aurait pensé le contraire - bénis soit les grandes
actrices/acteurs). On peine à juger la prestation de Samy Ben-Youb dans le rôle de Momo; Car c'est comme si on lui avait enlevé la parole et mis en retrait: sa répartie "sauvage" et vivacité d'esprit si présente et charmante sous la plume d'Émile Ajar nous serait elle censurée? Je répondrais indirectement plus tard à la question.
Arrive la fameuse scène du père de "Pas de spoil ici madame, ça casse la mise en page". Et à partir de là, sans prévenir le film choisit de reprendre en main le livre, pour nous en proposer une transposition relativement fidèle! Pile à l'apparition du petit rôle joliment interprété par Mohamed Zinet (oui, vous le connaissez vous aussi, si vous avez comme moi la quarantaine passée).
Enfin, la machine est en marche; Ah zut... fallait-il encore que notre petit frisé et son bagout défrisant nous soit retranscrit correctement. Vous vous en doutez, comment un acteur à qui on n'a pas vraiment donné la parole, peut d'une scène sur l'autre se métamorphoser en jeune adolescent qui volerait la vedette à Catherine Demongeot? Evitons la critique sévère, je ne suis pas là pour cela, je vous laisse en juger. Et quand est t-il de l'influence de sa prestation sur les choix définitifs du tournage: 'Inshalah" (il y a bien un youtubeur vaseux qui me donnera une réponse hasardeuse, non?).
Au moins, le scénario reprend son chemin, mais comme la moitié des spectateurs d'aujourd'hui (et certainement bien davantage parmi les deux millions de spectateurs qui sont allés en salle, à ma grande stupéfaction) n'ont fait que survoler le récit depuis une heure, le fossé à franchir est bien grand! La magie du texte de Romain Gary fait mouche, à n'en pas douter. Mais s'il se suffisait à lui-même, le métier d'acteur et de réalisateur serait bien simple.
Non, il n'y aura pas de polémique sur les deux ou trois phrases "malheureuses" dites le plus souvent par cette très brave Madame Rosa; Autant "elle" que Romain (fantôme bien réel de son avatar éphémère) sont tous deux Juifs: quelles insanités sorties de leurs bouches peut porter à condamnation? - Vous voulez vraiment que je développe? Cette phrase même peut m'être préjudiciable -
"Qui vivra, verra le Wokisme et autres excès contemporains, s'éteindre telle une flamme formée par un étron imbibé de purin"
Comment juger l'ensemble? D'une part, il y a une forme de courage et d'aboutissement culturelle; D'un autre côté, le budget serré et surtout les coupes majeures dans le texte de Gary me semblent impardonnables. Et en aucun cas l'entreprise de réécriture massive du texte aurait pu porter ses fruits (l'autre adaptation de 2010 faite par Myriam Boyer en est certainement une jolie preuve). La force du récit ne peut exister que dans le contexte précis de l'œuvre original (l'exemple du film "Le Jouet" avec le respectable Jamel Debbouze nous a suffi).
Tel un con, j'ose faire un parallèle avec l'adaptation d'un autre chef-d'œuvre "Le Cycle De Dune" de Frank Herbert; Dont l'adaptation - infidèle - des trois premiers livres par Denis Villeneuve (quoique le film "III" ne soit pas encore sortie et que Poutine n'ait pas encore(?) appuyé sur le bouton Rouge) appel selon moi au même constat: on ne fait pas l'offense d'être à coté de la plaque, mais on en est bien éloigné (saluons tout de même un travail des plus honorables).
PS: pour les vilains qui n'ont pas lu le livre (Prix Goncourt" pour rappel), je le classe dans mon top dix des plus grands livres, tous genres confondus (je n'ai pas lu la bibliothèque du monde non plus). Il est d'une subtilité et justesse de propos remarquable; Et les multiples touches d'humour feront sourire votre visage en larmes.