A peine ont-ils sorti deux films en duo que Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont déjà confirmé leur statut d'auteurs réalisateurs français. Nouvelles têtes d'affiche de la comédie française populaire et sociale (mais pas trop), les deux réalisateurs/scénaristes reprennent des codes de leur excellent coup d'essai, Patients, en les mettant au goût du jour version jeun's dans un collège de banlieue en décuplant l'humour, quitte à virer parfois dans une abondance de gags pas toujours aussi fins que ceux de leur première collaboration, bien moins sociale et pathos.


On en retrouve d'ailleurs trois acteurs toujours aussi complémentaires : Alban Ivanov toujours déchaîné, Moussa Mansaly tourné en dérision quand il émouvait dans l'oeuvre précédente, et l'excellent Soufiane Gerrab, révélation de Patients dans un rôle à contre-emploi largement plus sérieux et pince-sans-rire, auteur de la majeur partie des répliques cinglantes marquantes de cette Vie Scolaire qu'il tient à bout de bras.


C'est aussi grâce au charme et au charisme de Zita Hanrot qu'il est autant mis en avant; de cette relation d'adversité qui évolue peu à peu sur un désir d'apprendre à mieux connaître l'autre (idée qui concerne autant les profs entre eux que la CPE face aux élèves) s'insinuent dans l'intrigue des moments intimes et charmants entre deux adultes perdus dans cette ville qui leur semble étrangère, entre le religieux pas bien sérieux sur ses pratiques et la pauvre femme perdue d'avoir trop aimé.


Elle même évolue principalement à l'image par le biais de la relation d'éducation qu'elle partage avec la surprise du film, l'amateur Liam Perron extrêmement humain et touchant, constamment juste et professionnel, parfois plus que certaines stars françaises des comédies populaires actuelles (la majorité du casting de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu, Camping, les Dany Boon ou Les Profs). Perron, seulement venu pour accompagner sur le chemin du casting son ami Moryfere Camara, aura apporté à l'oeuvre sa plus grande profondeur.


Lorsqu'Hanrot amène l'idée qu'il pourrait faire un BTS cinéma au sortir du brevet, La Vie scolaire, par le choix de casting d'un amateur comme acteur principal, propose au spectateur une mise en abîme très juste à la base posée sur l'avenir de ces jeunes de cité délaissés par des professeurs désabusés/en burn-out, puis qui se précise jusqu'à finalement devenir un film autobiographique de ce jeune à l'avenir basé sur tout autre chose, et qui s'il n'était aucunement intéressé par le métier d'acteur au moment de croiser la directrice de casting, aura été engagé pour cette sincérité dans le comportement, cette authenticité qu'on perdu trop d'acteurs français formés au théâtre de manière professionnelle et maniérée, représentant en sorte le cliché de la Comédie française bourgeoise.


Homme du peuple, Pierron suit dans La Vie scolaire l'inverse de son parcours de vie, comme si le film représentait un miroir de son existence


, jusqu'à faire disparaître, en fin de bobine, la source de son arrivée dans le milieu du cinéma;


l'oeuvre épouse alors l'artiste, donne une vision personnelle de sa destinée inattendue au travers de quelques scénettes tantôt désespérées tantôt réjouissantes, n'évitant jamais les prédictions faîtes longtemps auparavant.


A voir le comportement de certains personnages, les liens qu'ils partagent, l'évolution de la personnalité de chacun, on devine tout comme si l'oeuvre ne cherchait plus à surprendre comme le faisait si bien Patients. D'un côté trop commun, la nouvelle oeuvre du duo oscille étrangement entre le long-métrage à l'humour rafraîchissant et le film social français aux jugements de valeur habituels, avec les mêmes dénonciations balancées à la truelle qu'on peut toujours prévoir un quart d'heure avant.


Même la dernière scène, terrible et belle à la fois, manque d'impact du fait qu'on comprend, dès le premier plan de l'épilogue, où voulaient nous conduire GCM et Idir pour le grand final. Il n'empêche qu'on espère une suite en s'attendant déjà aux scenarii possibles, aux nouvelles dénonciations de comportements immatures et forcés par la pauvreté, qu'on reconnaît finalement tous comme très communs mais plutôt justes, puisque filmés avec talent monstre et interprétés avec un naturel rare dans les comédies actuelles.


C'est peut-être aussi pour cela que ce duo marque autant : loin de la formation des cinéastes les mieux produits et les plus rentables de France, ils représentent à l'écran un naturel rarement croisé depuis des lustres (aucun exemple égalable ne me vient en tête, à part Patients) et l'imagent avec une simplicité sublime, le point d'orgue de cette réalisation fine se déroulant sur un plan séquence d'aller vers le collège, avec multiplication des personnages en guise de présentation du cercle d'ami de Pierron sur fond de musique rap montant crescendo dans le volume et la puissance de frappe.


Mis en forme de manière très talentueuse, La Vie scolaire amène de nouvelles manières d'imager l'humour à l'écran, et même s'il souffre de quelques critiques sociales moins finement amenées que précédemment, il n'en demeure pas moins une très bonne comédie française qui donne de l'espoir pour la suite de leur carrière, tant ils représentent avec une grande simplicité la réalité folklorique des banlieues de Paris et, à plus grande échelle, de la France entière.


Une oeuvre qui parle et apporte à toutes les générations issues de toutes les origines ethniques, sociales et culturelles de France et qui, dans sa manière d'uniquement caractériser ses personnages par les rapports sociaux qu'ils entretiennent, défend jusque dans son affiche l'idée que c'est la différence du nombre qui fait que l'on est humains, français. Dans La Vie scolaire, les personnages n'existent pas seuls et ne s'élèvent qu'en se serrant les coudes, en acceptant les autres. Par le dialogue vient l'introspection, la remise en question, et de cette remise en question découle l'acceptation des différences de l'autre, et l'espoir d'un avenir possiblement réussi pour ces jeunes de quartier aussi perdus que les adultes qui les gardent.


Une oeuvre qui laisse le sourire et prouve que Grand Corps Malade, pas seulement talentueux en musique, et Mehdi Idir s'imposeront, dans les années à venir, comme faisant partie des réalisateurs français de référence de toute une époque. Un plaisir simple, léger qui laisse le coeur léger et le sourire aux lèvres. Remercier une comédie populaire d'être drôle est tout de même catastrophique, vous ne trouvez pas?

FloBerne

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