On dit parfois qu'une œuvre aimée passé inaperçue donne l'impression de nous appartenir un peu plus : c'est incontestablement le cas ici. Il est peu dire que je l'attendais presque comme le Messie, ce nouvel opus d'Edgar Wright, surtout après le jubilatoire « Baby Driver », sorti quatre ans plus tôt. Plongée dans le Swinging London sur fond de voyage temporel avec un soupçon d'horreur et, pour ne rien gâcher, la présence de la fabuleuse Anya Taylor-Joy au casting : il n'y avait décidément aucune excuse pour passer à côté, malgré une combinaison de salles étonnamment faible. Et d'emblée, je me suis perdu corps et âme devant ce tourbillon de décors et de couleurs fastueux, exprimant à la perfection tout ce qu'a pu être cette époque totalement intemporelle et souvent idéalisée (pas toujours à raison!), véritable orgie musicale et visuelle sublimée par la splendide photographie de Chung-hoon Chung.
Portée par une héroïne très séduisante (à tout point de vue) et excellemment interprétée par Thomasin McKenzie, le film trouve un équilibre remarquable entre pure promenade sixties ponctuée de scènes mémorables se transformant en véritable cauchemar urbain (fantasmé?) et quasi-enquête policière tant de nombreux mystères planent tout au long de l'intrigue. Wright ne sacrifie jamais l'un de ses aspects pour offrir un spectacle ô combien stimulant, débordant d'idées pour nous offrir une merveilleuse expérience de cinéma, à des années-lumière des productions insipides, plates et impersonnelles auxquelles nous avons droit 75% du temps.
Alors c'est vrai : la dernière partie déçoit un peu et le rebondissement final n'a rien eu d'une énorme surprise me concernant. Le réalisateur d' « Hot Fuzz » semble un peu moins inspiré, plus « facile », mais toutefois efficace, continuant de nous imprégner son impressionnante maestria visuelle, toutefois jamais présente pour effacer ou compenser un quelconque vide scénaristique, l'un et l'autre formant, au contraire, une alchimie de plus en plus rare sur grand écran. Cela peut être un peu frustrant de terminer ainsi, je l'entends.
Mais franchement, combien de cinéastes sont capables aujourd'hui de nous offrir des « Last Night in Soho » ? De ces titres nous restant en mémoire de nombreuses semaines après visionnage, des images plein la tête, portés par deux comédiennes élégantes au possible et des seconds rôles (Matt Smith, Terence Stamp et Diana Rigg dans sa toute dernière apparition : avouez qu'on fait pire) ayant tous quelque chose d'important à jouer ? J'ai adoré. C'est le septième art que j'aime, sans doute imparfait mais foisonnant, riche, inventif, beau : oui, passionnément oui, j'aurais voulu que cette dernière nuit ne s'arrête jamais.