Edgar Wright, avec son style hyper-ludique, ses raccords inventifs, ses needle-drops constants et son rythme mené tambour-battant, nous dit que le cinéma est là pour nous amuser. Ça peut-être malin, ça peut dire des trucs, mais c’est surtout fun. Ses films, c’est un plaisir communicatif, celui de voir quelqu’un d’habile s’amuser avec son médium et le faire avec un amour qu’on ne peut que partager.
Le voilà maintenant dans un autre genre de fun, distillé dans ses autres films mais ici pris à bras le corps : l’horreur. Évidemment, pour ne pas refaire Shaun of the Dead, il faut abandonner le second degré et prendre son air sérieux. Même si on sait que Wright prend surtout son pied et espère qu’on le prendra aussi.
Au-delà d'investir l’horreur, il prend aussi son air sérieux pour parler de ce qui pèse aujourd’hui à travers une exploration du passé : une société et une culture qui ont asservi les femmes (et je sors du Dernier Duel). Un sujet bien lourd et Wright lève le pied dans la première moitié, préférant laisser ses acteurs, ses décors (et la B.O, quand même) communiquer l’attrait d’un monde laissant miroiter un univers de possibilités pour finalement abattre celles qui osent rêver de s’accomplir.
On retrouve quand même les effets virevoltants de Wright lorsqu’on pénètre dans le Soho d’antan, pour figurer l’ivresse de la danse, des couleurs mais aussi de la rencontre avec son double (miroirs, fragmentation, remplacement, forcément qu’il n’allait pas se priver de tout ces effets).
Lorsqu’il s’agit, dans la seconde partie, de réellement plonger dans l’horreur, ce style devient un assaut sonore et visuel. Ça a du bon, parce que c’est cool de voir Wright plonger à pieds joints dans l’horreur, sans demi-mesure. Inspiré à la fois par Dario Argento et le cadre de son intrigue, il transforme les décors baignés de néons rouges en un enfer qui désoriente et empoisonne. C’est pas ultra-original, ce travail du côté attraction/répulsion des néons, mais ça marche (ou pas) parce que Wright met le paquet. On peut y ajouter les effets kaléidoscopiques, les montages brutaux axés autour de la répétition, les travelings qui égarent et on a toute la panoplie de la confusion et de la dégradation.
Encore une fois, ça a du bon parce que j’ai vu assez de réalisateurs investir pour la première fois l’horreur en y allant d’une manière qui se veut élégante mais qui est surtout tiède. Tandis que là, eh bien, c’est fun. Après, on sait que Wright est un enfant de l’horreur, donc on n’en attendait pas moins, même si c’est son premier “vrai” film dans le genre.
Le côté négatif, c’est que pour ne plus seulement désorienter et vraiment susciter la peur, les mêmes effets se répètent et ne sont pas tous incroyablement originaux : crescendo sonore, cadre qui fait un aller-retour et révèle brusquement un truc, accompagné d’un gros “BOUM”. Des jumps-scare, quoi. Face à eux, le niveau de tolérance peut varier. Perso, je n’ai rien contre, surtout qu’ils sont ici tous bien menés.
C’est juste que ça manque un peu d’inattendu dans les effets (certains jump-scare m’ont bousillé les tympans aussi, mais c’est peut-être plus la faute de la salle). Et ce n’est pas savoir ce qu’il aurait pu faire à la place, c’est savoir s’ils étaient nécessaires. Le récit, l'univers, les acteurs et le reste de la mise en scène suffisent à dégager l'angoisse, je trouve. Et l'imagerie spécifique à laquelle je pense n'est pas, pour moi, à lier obligatoirement avec des gros BOUM.
Au niveau de l’intrigue, je regrette aussi un twist pas 100 % honnête, car permis par une scène qui trahit l’univers jusqu’ici créé par le film. Mais tout ça nous mène vers une scène à la fois d’horreur et de catharsis qui, globalement, fonctionne (malgré des effets numériques un peu laids).
Donc voilà, Edgar Wright essaie de nous enivrer pour finalement nous terrifier, nous mettant au passage dans les chaussures de son héroïne et de beaucoup de femmes comme elle. Ça a du sens, mais l’expérience peut se révéler soit très irrésistible, soit abrutissante, selon la tolérance de chacun. Moi, j’aime bien.