Deux couples d'amis dinent au restaurant,et la modeste et indécise Léa,vendeuse dans un magasin de vêtements, annonce tout de go qu'elle est en train d'écrire un roman,ce qui provoque un séisme dans l'assemblée,la situation dégénérant lorsque le livre en question devient un énorme best-seller.Son mari Marc,mâle dominant,se sent atteint dans sa position supérieure,sa meilleure amie Karine est prise d'une jalousie maladive et se met en devoir d'écrire elle aussi son bouquin tandis que son époux Francis se met à tenter sans succès diverses formes d'activités artistiques.Daniel Cohen est l'homme-orchestre à la base de ce brûlot misanthrope puisqu'il cumule les fonctions de réalisateur,scénariste,acteur et auteur de la pièce "L'île flottante" ici adaptée.Cette étude de moeurs précise explore en profondeur et sur un ton ironique la fragilité et la volatilité des rapports amoureux ou amicaux dès lors que le statut de quelqu'un change et remet en question l'équilibre installé des relations.Il prend en outre le contrepied de la théorie établie selon laquelle c'est celui qui acquiert succès et notoriété qui,grisé,devient quelqu'un d'autre.Là,c'est l'entourage qui pète les plombs et on assiste à un joli jeu de massacre décrivant des humains puérils et ridicules incapables de surmonter leur appréciation coutumière d'une personne.Car Léa est la discrète du groupe,une fille ordinaire qu'on croit dépourvue d'ambition,celle qu'on aime bien parce que c'est une épouse soumise et une amie qu'on trouve gentille mais sans relief.Parce qu'il est là le truc,c'est le mépris.Un mépris larvé et dont on n'est même pas conscient mais qui est bien présent derrière les relations en surface apaisées.Marc est le vrai mec,le cadre sup qui gagne plus que sa femme,petite employée de commerce.Il l'aime mais n'a pas de vraie considération pour elle.Karine est une médiocre que la soumission de son amie a toujours rassurée,et ne plus tout-à-coup être "au-dessus" d'elle la renvoie à son véritable niveau tout en la rendant folle de jalousie.Francis est un brave type limité pour qui le coming-out littéraire de Léa fait office de stimulant,même si ses talents sont douteux.Tous se sentent à des degrés divers humiliés par l'ascension subite de Léa,la fille discrète et effacée qui brusquement leur passe devant et les laisse loin derrière.Et ce ressenti ne vient que d'eux car la nouvelle romancière reste l'adorable créature qu'elle était et est la seule à ne pas modifier son comportement malgré l'argent et la célébrité.La stupide fascination humaine pour ce qui brille atteint ici son paroxysme et va tout détruire,le couple et l'amitié,par pure bêtise en fin de compte.L'origine théâtrale du film est bien contournée par l'utilisation de nombreux décors mais transparait dans le caractère excessif des personnages et le manque de subtilité de leurs réactions,ce qui nuit au réalisme du récit.Les acteurs sont formidables,à l'exception habituelle de cette tache de Florence Foresti,qui sabote largement le personnage pourtant payant de la meilleure ennemie en en faisant des tonnes pour un résultat consternant.Heureusement les autres sont mieux disposés,qu'il s'agisse de la toujours craquante Bérénice Bejo,stoïque face au déferlement de connerie qui s'abat sur elle,d'un Vincent Cassel étonnant dans un emploi strict de cadre en costard qu'on lui voit rarement tenir,ou d'un jouissif François Damiens en lourdaud lancé à la recherche de son moyen d'expression.Daniel Cohen incarne de manière décalée un manager de boutique de fringues sympa mais totalement formaté,livrant un numéro exceptionnel.Ne font que passer Constance Labbé,encore une fois sous-employée en jolie secrétaire,François-Eric Gendron,plein d'allant en éditeur énergique,ou la nouvelle coqueluche du ciné français Artus en collègue attiré par les vedettes.Note et critique de film de Daniel Cohen publiées précédemment:"Comme un chef"-4.Moyenne:5,5.