Une fois n'est pas coutume, la note concernant le film de Hunnebelle, que je n'ai pas encore finalisée entre 8 et 10 (on statuera à la fin de la critique) restera supérieure à celle que j'ai attribuée au roman (que je viens de lire). Effectivement, dans mon échelle des valeurs, c'est plutôt rare que je conclue que le roman soit d'un intérêt moindre que le film qui en a été tiré.
Pour une raison simple d'ailleurs, c'est que le film étant en général limité dans la durée, le scénariste doit faire court. Pour ce faire, soit il résume, soit il met un éclairage sur une partie du roman, soit il transforme l'intrigue tout en gardant l'esprit du livre (Je ne parle pas de ceux qui trahissent). Mais, ce faisant, le livre conservera en général l'avantage d'avoir pu développer une intrigue et de décrire par le menu les personnages.
Dans le film "le bossu" les scénaristes ont un peu remanié l'histoire pour la simplifier notamment en terme du nombre de personnages.
Leur coup de génie a été de donner une plus grande importance au personnage de Passepoil (Bourvil) qui donne une dimension un peu comique et surtout sympathique au personnage. Dans le livre, Lagardère s'enfuit seul en Espagne avec la fille de Nevers. Paradoxalement, cette fuite qui est centrale dans le film de Hunnebelle est un peu escamotée dans le roman et traitée principalement sous forme de flash-backs.
Par contre, le roman restera supérieur en terme de crédibilité générale de l'histoire et en particulier sur la perception de la mère à l'endroit de Lagardère, un peu plus nuancée et plus "normale" que dans le film. La conclusion du roman est moins abrupte que celle du film, à mon avis, pas assez travaillée au niveau du scénario.
Mais le film de Hunnebelle vaut surtout pour le jeu des acteurs.
Le visage du personnage de Lagardère est à jamais celui de Jean Marais qui alterne les moments de fougue et de bravoure avec des moments tendres et la fidélité en son ami lâchement assassiné. C'est le désintéressent personnifié.
Face à lui, François Chaumette dont le visage, avec son rictus légendaire, sera à jamais celui du Prince de Gonzague. C'est l'intelligence mise au service du calcul, de l'avidité, du cynisme "même les canailles ont besoin d'idéal". C'est l'intéressement personnifié.
Entre les deux, Bourvil dans le rôle d'un Passepoil qui est le valet, certes mais aussi ami et confident de la jeune Aurore. C'est l'atout sympa, qui s'arrange avec la rigueur, qui sait mettre un peu d'huile dans les rouages.
Il y a des scènes - hilarantes - que j'aime retrouver dans le film à chaque visionnage comme celle où Gonzague achète les services de bohémiens pour témoigner de la mort de la petite Aurore au conseil de famille. En particulier, la bohémienne (une certaine Pâquerette !) qui récite sa leçon avec un splendide "affreux, affreux, affreux" ou encore qui dit la bonne aventure à un Bourvil ébahi et flatté "tu as dû en faire souffrir des femmes"
Compte-tenu de toutes les considérations, la note finale sera plutôt 9 qui place le film au niveau du "masque de fer" de Decoin et un point supérieur au "capitan", "Miracle des loups" et "cadet Rousselle" du même Hunnebelle.