C'est un des tous derniers films que Renoir a réalisé en 1961; le scénario est tiré d'un roman de Jacques Perret dont on ne parlera pas car je ne l'ai pas lu.
Le scénario du film n'est pas sans rappeler "La grande Illusion" mais Renoir ne fait pas un remake de son film. Si les situations peuvent paraître similaires, Renoir part dans de toutes autres directions.
Par exemple, on n'y trouve pas le marquage accusé des classes sociales de la Grande Illusion (aristocratie (Fresnay, Stroheim)/bourgeoisie (Dalio)/ prolétariat(Gabin)). On est bien plus dans la lutte des systèmes politiques que dans la lutte des classes.
Il n'y a pas non plus les objectifs de patriotisme sous-jacents : l'un veut s'évader pour sauver le métier de garçon de café, l'autre pour soigner ses vaches, un autre encore pour retrouver sa famille, etc..
Juste à la fin, alors que le "bourgeois" Cassel et le "prolo" Brasseur vont se séparer sur le pont de Tolbiac à Paris, Cassel dit (en substance) : "il y a bien trop de croix gammées à Paris ; faudra faire quelque chose ensemble, un de ces jours : on est amenés à se revoir" préfigurant les actions à venir de résistance aux occupants.
Cas "Ballochet" (Claude Rich) : gentil, binoclard, rêveur et conscient de ses limites, il commence par s'entourer d'un "donjon protecteur" où, jouant les interprètes, il mène une vie un peu privilégiée plutôt agréable dans le stalag. Puis la vacuité de sa vie le submerge et il part théâtralement "à la recherche de sa dignité" sous le regard d'abord amusé puis angoissé de Cassel et des codétenus. Si on tient à l'analogie avec la grande Illusion, ce pourrait être le "Boieldieu' (Pierre Fresnay ). Mais l'analogie s'arrête là car l'un est plutôt "dilettante anarchiste qui cherche et prend le plaisir là où il se trouve" alors que l'autre est un "aristocrate vieille France qui est persuadé que quelle que soit l'issue de la 1ère guerre mondiale, ce sera la fin de son univers "
Une scène extraordinairement pacifiste, bien dans la ligne d'un Renoir, quand Cassel demande au paysan français prisonnier à quelques kilomètres de la frontière, pourquoi il n'en a pas profité pour s'évader et retrouver la terre de France, il lui est répondu : Ici, pour la première fois je peux posséder quelque chose alors qu'en France, j'étais ouvrier agricole et travaillais chez les autres.
On notera aussi que Renoir n'a pas embauché de grandes vedettes pour ce film au contraire de la Grande Illusion mais de jeunes professionnels du théâtre et du cinéma (Rich, Cassel, Brasseur, Bedos, Carmet, Jouanneau) qui feront leur chemin par la suite. Je suis certain que ce film a dû être une grande leçon de cinéma pour tous ces jeunes.