Vogel,truand en cavale,et Corey,gangster fraîchement libéré de prison,se rencontrent par hasard,sympathisent et décident d'exécuter un hold-up audacieux.Mais le commissaire Mattei,flic tenace à qui Vogel a échappé,et Rico,truand marseillais qui a un compte à régler avec Corey,sont sur leurs traces.Le réalisateur-scénariste Jean-Pierre Melville,as du polar noir français des années 60-70,nous sert une fameuse cuvée avec ce film comme on n'en fait plus.Déjà,rien que l'équivalent actuel de la faramineuse distribution ici réunie serait impossible à aligner aujourd'hui sans ruiner les producteurs.Ce qui n'a pas empêché les Films Corona de Robert Dorfmann et son fils Jacques de mener à bien le projet en coprod avec une firme italienne.L'équipe technique est de première classe avec entre autres Eric Demarsan à la musique,Henri Decaë à la photo,Marie-Sophie Dubus au montage,Jean Nény,assisté de Guy Chichignoud,au son,Théobald Meurisse aux décors et Bernard Stora en premier assistant.Rien que des très bons donc pour ce classique du film de casse irréalisable mais cependant réussi.Ambiancé par l'image grisâtre et réaliste de Decaë,le récit se déroule principalement dans une Bourgogne enneigée au ciel bas et un Paris pluvieux déprimant.Le style sec et froid de Melville fait merveille en ce contexte où s'agitent lentement des personnages durs peu causants,l'auteur préférant passer par la gestuelle et les regards plutôt que par les dialogues.On éprouve par conséquent plus de curiosité que d'empathie pour ces protagonistes que le cinéaste ne cherche nullement à rendre sympas.La précision maniaque de la mise en scène porte l'histoire à travers des plans imparables qui s'enchaînent souplement et des mouvements de caméra subjuguants qui s'arrangent brillamment de toutes les situations et de tous les angles des décors.Les séquences du cambriolage sont sophistiquées et haletantes,tandis que l'atmosphère tendue contribue à appréhender la spirale infernale qui mène à leur insu ces hommes droit dans un piège fatal se refermant sur eux.La fin du film rame un peu avec quelques péripéties moins convaincantes mais la noirceur absolue est bien au rendez-vous.Le fabuleux casting est emmené par un quatuor magique de stars à leur meilleur niveau,y compris le pauvre Bourvil très malade à l'époque et dont ce sera l'avant-dernier film car il mourra en cette même année 70.Peu coutumier des personnages sombres,il se révèle parfait en policier revanchard et sans scrupule prêt à tous les coups fourrés pour arrêter les voyous.Alain Delon,un habitué de la maison Melville,est impérial en bandit extrêmement dangereux et malin toutefois guidé par une certaine éthique professionnelle,ce qu'on pourrait appeler le sens de l'honneur.Une mentalité partagée par le personnage interprété par Gian Maria Volonté,un braqueur plus remuant et expressif que l'italien s'accapare avec brio.Yves Montand est moins en vue mais sa prestation est géniale.Il phagocyte l'écran à chacune de ses apparitions en ex flic tireur d'élite alcoolique tombé dans la débine totale.La scène où il est pris d'hallucinations et voit sortir de son placard des tas de bestioles répugnantes est impressionnante et on se demande quelle est la part du réel et des effets spéciaux dans cette séquence.Une solide bande de seconds rôles de talent est de la partie,avec notamment le toujours impeccable François Périer en patron de night-club louche.On a aussi Paul Crauchet en receleur traître,Jean Champion en garde-barrière,Pierre Collet en maton corrompu,Anna Douking,actrice spécialisée dans l'érotisme,en ex-femme de Corey,Stéphanie Fugain en vendeuse de cigarettes peu vêtue et le musicien de jazz André Ekyan,excellent en chef de gang impitoyable dans ce qui sera son seul film.