En 2001, Le Voyage de Chihiro fut l'apogée de l'oeuvre de son auteur. Poursuivant sur la lancée de Mononoke, il connaîtra à peu près tous les succès possibles et imaginables tant dans son pays que dans le reste du monde. Ce sera par exemple le premier film non-anglophone à dépasser 200 millions de dollars de recettes. Des récompenses prestigieuses (Ours d'Or, Oscar...) et une distribution internationale enfin réellement efficace cinq ans après l'accord Disney permettent enfin à Miyazaki d'entrer dans le vocabulaire courant.
Si 99% des gens du site connaissent ce bonhomme, c'est grâce à Chihiro, c'est lui qui permettra les ressorties de ses anciens films, c'est lui qui décomplexera le regard des adultes et de la critique sur l'animation et il y a très nettement un avant et un après Chihiro dans la petite histoire du cinéma.
Dans la petite histoire de Miyazaki, l'après-Chihiro est quelque chose de bien triste.
Renonçant à une retraite pourtant bien méritée, le maître nippon se relance dans un projet d'envergure, nouvelle occasion de mêler atmosphère steampunk et conte pour enfant, l'adaptation du Château de Hurle de Diana Wynne Jones.
Techniquement, tout est poussé au maximum, a tel point d'ailleurs qu'on en oublie l'essentiel de ce qui fait le charme des Miyazaki, ne restent que des bribes, noyées dans une histoire impossible seulement sauvée par l'idée de base.
Oui, parce que l'idée du château, de la jeune héroïne envoutée en petite vieille qui s'y impose comme femme de ménage, tout cela est rien chouette, c'est ce qui donne au film ses rares moments merveilleux le sauvant du complet désastre.
Tout le reste est d'une nullité crasse. Le fond de guerre est raté comme c'est pas permis, le personnage du magicien supposé être le centre de tout est tellement minable qu'il coule le film et toutes les scènes de transformations du dit sorcier et ses bagarres à l'extérieur sont absolument hors sujet et dénaturent un film qui n'avait vraiment pas besoin de ça...
Heureusement, quelques scènes d'intérieur valent le coup, les décors sont toujours magnifiques dans ces petites villes de maisons à colombage, dommage que ça ne serve pas à grand chose et que la beauté de ces images soit tout de suite gâchée par l'ignoble laideur de la grosse sorcière, du héros dégoulinant ou encore des espions baveux... L'étroite et difficile harmonie esthétique réussie dans Chihiro vole ici en éclat et montre par défaut l'incroyable difficulté de l'exercice.
Pour une merveilleuse scène de petit déjeuner, combien de séquences péniblement assénées, combien de lourdeurs, de décors intérieurs trop chargés, d'assemblages divers du dernier bancal ?
La petite famille du château s'agrandit régulièrement, pour le meilleur ou le pire, mais l'ensemble ne fonctionne jamais vraiment. Heureusement que Calcifer est là pour sauver le tout, parce que le môme est visuellement raté, parce que j'ai rien contre les épouvantails, mais dans le final, j'ai cru que j'allais m'ouvrir les veines, parce que je préfère le chien sans sa mémère et parce que ce connard de magicien pénible n'arrête jamais de nous casser les couilles.
Ayant échoué à retrouver la force de ses longs métrages précédents dans le genre épique, Miyazaki poursuivra le massacre de son oeuvre quatre ans plus tard, dans sa veine plus intime cette fois, avec un Ponyo d'une incroyable laideur.
Comme quoi, parfois, repousser l'âge de la retraite, ce n'est pas toujours une bonne idée.