Un polar dans la grande tradition française des Simonin, Giovanni, … pour l'écrit, des Giovanni, Melville pour le cinéma. J'ai l'air de confondre lettres et cinéma ? C'est normal car dans le cas du "choix des armes", le roman de Michel Grisolia a été écrit quasiment au même moment que le film éponyme d'Alain Corneau. D'ailleurs, on retrouve dans le roman la plupart (sinon tous) les dialogues du film ou vice versa …

Autre généralité : c'est quasiment le dernier polar que fait Alain Corneau après "la menace", "Police Python 357" et "Série Noire". Après, pour certainement de bonnes raisons, il se diversifie et touche – avec brio aussi – d'autres genres, d'autres horizons …

"Le choix des armes" oppose Noël, un vieux truand, rangé des voitures, devenu gentleman farmer et propriétaire d'un important haras, à Mickey, un jeune voyou en cavale, à la gâchette facile, rendu sauvage par une société qui ne plie pas assez vite devant lui.

Et du côté des flics, c'est un peu la même chose. Le commissaire Bonnardot en fin de carrière traine un certain nombre de casseroles très lourdes à porter. D'autant qu'on subodore qu'une partie des casseroles vient du temps où il s'opposait à Noël, alors jeune truand. Et Bonnardot s'oppose à son jeune lieutenant ; l'inspecteur Sarlat qui ne comprend décidément pas l'attentisme et la prudence du vieux. Pire, on n'est pas sur la même ligne. L'un (le vieux) consulte les indics, approche la problématique par la bande, joue la prudence, quoi. Tandis que le petit jeune barbiquet, colt à la ceinture, veut en découdre, … Un truand, ça s'attaque de front. Au pire, on l'arrête, au mieux, on le flingue (enfin, là, j'exagère un peu). Et, c'est après qu'on discute. Enfin, faut du chiffre, quoi.

Donc, on le voit, on est dans du polar classique. Sauf que d'un point de vue "mise en scène", Corneau oppose deux mondes qui s'ignorent. L'un, cossu, le haras dans une superbe propriété où la vie s'égrène dans une aisance feutrée avec des soucis de riches … L'autre, la cité, déshéritée avec des barres d'immeubles interminables et grises, coupée par des rues pleines de détritus. On n'est pas forcément dans la misère mais, assurément, on est dans le gagne-petit, dans le logement étroit avec les soucis des pauvres. D'ailleurs, cette opposition contribue à faire monter une mayonnaise dramatique.

On est dans le polar classique, oui, mais avec des analyses assez fouillées des personnages. Noël, qui fait un retour sur lui-même et tente de comprendre les motivations d'un Mickey. Ou encore Mickey qu'on découvre peu à peu et qui n'est pas que cette bête sauvage …

D'un point de vue casting, celui qui tire son épingle du jeu, c'est un impressionnant Gérard Depardieu, l'acteur ad hoc pour interpréter le truand Mickey. Le personnage est dans un engrenage fatal depuis son évasion et se laisse entrainer par ses pulsions dans son désir farouche de survivre. Là où l'acteur Depardieu excelle, c'est lorsqu'il semble atteint par quelques brefs instants de grâce …

L'autre personnage, Noël est interprété par un Yves Montand, très bien dans son rôle d'homme obligé de revenir sur son passé, obligé de comprendre l'itinéraire de Mickey afin de tenter de le maîtriser.

Une floppée de seconds rôles à commencer par Catherine Deneuve qui apporte sa touche de féminité dans ce monde de brutes. Puis Galabru dans le rôle du commissaire usé, Gérard Lanvin, l'inspecteur maladroit, Jean-Claude Dauphin, le jeune camé, Richard Anconina, le copain de Mickey, Jean Rougerie, Roland Blanche, …

La musique de Philippe Sarde qui ponctue utilement les changements de contexte. J'ai lu que le contrebassiste n'était rien moins que Ron Carter …

Au final, film très efficace et digne successeur des grands polars des décennies d'après-guerre aux années 70.


JeanG55
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le 1 août 2024

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