Inspiré du roman autobiographique de l'artiste antifasciste Carlo Levi, Le Christ s'est arrêté à Eboli me tentait depuis un bon bout de temps. Je ne saurais pas expliquer pourquoi. Peut-être un besoin de voir un monde qui semble si lointain, qui semble à l'autre bout de la planète alors qu'il est en Europe, dans un des pays d'à côté, d'aller dans le contemplatif, de connaître le calme que peut quelquefois procurer la vie, de ne connaître que des incidents banals par procuration. Type exact de procuration que peut offrir ce film.
Toujours est-il que ce film offre tout cela. Pas d'actions, de grandes envolées lyriques, c'est une oeuvre qui prend son temps en exposant des tranches de vie d'un lieu complètement isolé, aussi fascinant qu'inconnu. Les paysages rugueux de la Basilicate captent tout de suite l’œil, ceux qui les peuplent et qui ne pensent qu'à vivre leur quotidien de la façon la plus tranquille possible aussi.
Malgré le climat de "prison" et de fascisme, comme le protagoniste, joué par le très charismatique Gian Maria Volonté, on a envie de se laisser vivre, de prendre les choses de la manière la plus apaisée possible, de profiter de ce que la vie avec ses heurts peut offrir, contre toute attente, de plus chaleureux, de faire connaissance avec des gens croqués avec justesse, sans lourdeur (même les personnages les plus négatifs ne sont jamais chargés inutilement, à l'instar du podestà, bête mais pas réellement méchant !).
C'est pour cela que j'ai apprécié ce film, que je le préfère aux autres que j'ai vus de Francesco Rosi, car son côté "je veux dénoncer à tout prix" est moins présent et son aspect habituel "Dossiers de l'écran" un peu agaçant, car faisant manquer généralement de chair et d'émotion à la plupart de ses œuvres, est aux abonnés absents. Là, il se laisse aller à la douceur, à l'humanité et aux sentiments, et je trouve que cela fait du bien, non seulement aux spectateurs mais aussi à son cinéma.
Seul petit reproche, j'ai trouvé certains dialogues des habitants trop explicatifs donc peu naturels. Je pense qu'une voix-off du protagoniste racontant ce qui est dit (ou plutôt expliqué par le dialogue !) maladroitement aurait été la bienvenue. Mais ce n'est qu'un défaut mineur comparé aux belles qualités de l'ensemble.
Bref, on peut le dire. Le Christ s'est arrêté à Eboli est un très beau film qui va droit au cœur.