Stampers never give a inch
Pour son deuxième long métrage en tant que réalisateur, Paul Newman a choisi de filmer l'histoire d'une famille de bûcherons de l'Oregon, en conflit ouvert avec une bande de grévistes qui veulent leur imposer leurs conditions. Henry Stamper, le patriarche au bras dans le plâtre (Henry Fonda), n'a aucune sympathie pour les syndicalistes, et quand ces derniers tentent de négocier avec lui, il les chasse de chez lui à coups de bâtons de dynamite ! Avec son fils Hank (Paul Newman), il mène une existence à l'ancienne, où seuls le travail et la famille comptent : sortes de descendants des pionniers, ils prônent la liberté individuelle, et tant pis s'il faut pour cela marcher sur son voisin... Les doléances des villageois ne les atteignent pas le moins du monde, et comme le dit la devise familiale, chez les Stamper, "on ne recule jamais d'un pouce" face à l'adversité.
Le film commence avec le retour surprise de Leland, le fils illégitime de Henry, qui a décidé de rentrer au bercail après le suicide de sa mère et des années de vagabondage. En même temps que le spectateur, cet ex-soixante-huitard aux fausses allures de John Rambo va découvrir les conflits qui rongent la petite communauté du nord-ouest des Etats-Unis, et loyauté oblige, il va rejoindre le camp des Stamper.
Paul Newman, les tempes grisonnantes et l'air plus poseur que jamais, va longuement filmer les diverses séances d'abatage et de remontage du bois, et nous montrer par la même occasion le difficile quotidien d'un bûcheron, avec ses réveils à 4h30 du matin et ses journées harassantes aux multiples dangers. La relation père/fils entre Henry Fonda et Paul Newman paraît évidente à l'écran, et comme s'il avait été décomplexé par son rôle de bad guy dans "Il était une fois dans l'ouest", le papa de Jane semble prendre malin plaisir à jouer les vieux machos un peu rustres sur les bords. Outre les crachats de rigueur et le langage de charretier, le chef de famille n'hésite pas à rabrouer son fils illégitime avec des remarques déplaisantes sur la longueur de ses cheveux ("I lost myself a son, he comes back a daughter"), ou encore à partir à la chasse pour montrer à ses rejetons qu'un malheureux bras cassé ne l'empêchera pas de rester un homme, un vrai…
Sur le papier, ce long métrage tiré d'un roman de Ken Kesey ("Vol au-dessus d'un nid de coucou") avait tout pour être grandiose : deux immenses acteurs, un sujet sensible, et des décors naturels spectaculaires. Pourtant, il lui manque un petit quelque chose pour accéder au statut de film culte. Les relations familiales ne sont jamais approfondies, et plutôt que de faire de Leland le héros principal de son film, Paul Newman aurait été bien avisé de donner une plus grande place à Henry Fonda. J'aurais ainsi aimé assister à une confrontation entre Henry et Leland, pour mieux comprendre le retour de ce dernier dans l'Oregon, et plus globalement, "Le clan des irréductibles" aurait gagné en intensité dramatique si quelques abcès familiaux avaient été crevés. Les rôles féminins manquent quant à eux cruellement de profondeur, et sur un plan strictement technique, le film est réalisé sans réel génie : l'ensemble manque d'émotion, et certaines scènes qui auraient dû être poignantes se révèlent finalement assez fades.
Bref, si la présence des 2 icônes aux yeux bleus fait plaisir à voir, on reste tout de même légèrement sur sa faim quand le générique final s'achève.