Originellement censé être réalisé par Richard A. Colla, celui-ci quittera assez rapidement le tournage pour des raisons professionnelles et personnelles et sera remplacé au pied levé par Paul Newman qui réalisera ainsi son deuxième long métrage. Le Clan des Irréductibles s'articule donc autour d'une grande famille de bûcheron dont on va suivre la vie quotidienne en des temps de grève et de tension familiale, le moins que l'on puisse c'est que le film retranscrit avec beaucoup de vraisemblance et à la fois un certain sens du spectacle le métier de bûcheron au sein d'une grande exploitation forestière. Certains passages permettent ainsi de décrire à l'écran le travail d'un bûcheron de manière journalière, tout en présentant plus précisément le rôle plus précis des membres de la famille au sein de l'exploitation. De l'intrépide Hank grimpant jusqu'au plus haut des cimes afin de couper les branches des troncs (alors que de vous à moi il pouvait très bien le faire une fois l'arbre coupé et même le sol) au « novice » Leeland à travers des yeux duquel, on découvre ainsi ce charmant métier du bûcheron.
Le troisième membre de la fratrie quant à lui, Jo B. incarné par Richard Jaeckell, s'il paraît peut-être plus secondaire au niveau de l'intrigue principale, donne tout de même lieu plus loin dans le film à une scène très belle et mouvante baigné par un terrible et cruel fatalisme, très émouvant également sur la relation qu'entretiennent lui et son frère, Hank.
En ce qui concerne le père, il est à l'image de cette famille, représentative et un brin caricatural d'une partie de l'Amérique, à la tête d'une grande exploitation, d'un grand ranch… Patriarche, il règne d'une main de fer sur cette famille et son exploitation malgré les limites physiques dues à son grand âge - d'ailleurs Henry Fonda m'a semblé plus âgé dans ce rôle qu'il ne l'était alors dans la vie.
Cependant, sous ses airs tyranniques et aigris se cache un fort sentiment de fierté familiale et d'orgueil, c'est cette fierté et cet orgueil qui poussera lui et sa famille à ne jamais abdiquer face aux demandes de grèves du syndicat et des conséquences fâcheuses sur l'économie de la ville,leur mettant tous ses habitants à dos. Mais la famille passe avant tout et même si tous leurs ouvriers les lâchent, ils continuent seuls d'accomplir leur besogne, à leurs risques et périls…
Le personnage de Paul Newman s'inscrit en ce sens dans la droite lignée de son père, fils modèle il ne remettra jamais réellement en question les décisions de son père, tout en sachant qu'il est le seul qui en serait capable, si la situation finissait par l'exiger. Cependant, alors qu'il aurait peut-être dû, il ne le fera jamais, continuant sans apprendre de potentielles leçons à mener la tâche, le chantier qui a été confié à sa famille et ceux même si la tête entière s'y opposait.
Délaissant par ailleurs sa femme, qui trouvera chez son demi beau-frère un confident arrivant à point nommé et qui l'aidera à faire un choix, prendre conscience de certains éléments de sa vie et l'aidant finalement à en changer.
Cependant, si je devais émettre une légère retenue je dirais que la relation entre Hank et Leeland et les raisons du retour de ce dernier auprès de sa famille m'ont paru un peu sous-exploitées et évoquées seulement en sous-entendu.
Prenant son inspiration dans le roman de Ken Kesey « Et quelquefois j'ai comme une grande idée » (que je n'ai pas lu, mais dont le titre donne envie très honnêtement). "Le clan des irréductibles” est un excellent film représentant et rendant honneur à ces familles/ ces clans de riche propriétaire peut-être réel symbole du rêve américain. Tout en cherchant à remettre en question peut-être cette tendance qu'ont aussi ces grandes familles à être renfermé sur elle-même, sans se préoccuper des intérêts vivotant autour de leur microcosme.
Leur anti-syndicalisme semble ainsi moins tenir d'un engagement politique - même si on devine aisément de quels bords ils sont - que d'une tendance à placer la famille au-dessus de tout même quand cela leur est en vérité préjudiciable ; porté par un père prenant par la même occasion un malin plaisir à être détesté par l'ensemble du village, allant jusqu'à leur adresser un dernier doigt d'honneur postmortem aussi bien au sens figuré que littéral.